L’écrivain américain Elbert Hubbard (1856-1915) disait : « On le voit, les qualités humaines doivent être nombreuses pour prétendre porter le titre d'enseignant ». Kouyaté Yousouf Souleï, appelé affectueusement «Monsieur Kouyaté » par ses élèves et, surtout, toute la ville de Sélibaby tout court, naquit le 29 Juin 1948 à Gouraye dans le Guidimakha, à la croisée des trois pays, Mauritanie, Mali et Sénégal. De fait, l’homme était un enseignant pas comme les autres et nous allons ici l’apprendre à tous ceux qui n’ont pas eu le bonheur de le connaître.
Monsieur Kouyaté accomplit ses études primaires de 1954 à 1960 à l’école publique de Bagadadji, un quartier de Bamako, la capitale du Mali, puis ses études secondaires de 1960 à 1964, avant d’entamer sa formation pédagogique de trois années au centre pédagogique régional (CPR) de Bamako, pour y acquérir avec brio son diplôme. L’homme décide alors de regagner son pays, la Mauritanie fraîchement indépendante et en manque de cadres, particulièrement dans le secteur éducatif. Il va y consacrer trente ans de sa vie à la formation des futures élites du pays. « Dieu sait qu’il en a formé ! », avant de passer trois ans à la direction de l’école I. Victor Hugo disait à son tour : « un enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne »…
En 1968-69, il est engagé au poste d’instituteur-adjoint à l’école I de Sélibaby avant de devenir un enseignant chargé des Cours d’Initiation à la langue Française (CIF) sous la direction de feu notre père Dia Abdoul qui lui confia les premières années du primaire appelées CP 1 ou CP « niébé » (rires), sous forme, à ses débuts, de contrat à durée déterminée renouvelable. Très satisfait de ses qualités, le père Dia Abdoul (paix à son âme !) lui dit un jour : «Monsieur Kouyaté, tant que je suis là, tu passeras ta vie à enseigner les premières années».
Discipline et hygiène
En 1976, il obtient son certificat élémentaire d’aptitude pédagogique (CEAP) suivi de son certificat d’Aptitude Pédagogique (CAP), une fois fait ses preuves de pédagogue, et devient enseignant titulaire sous contrat à durée indéterminée sous la direction de Niang Kalidou qui avait, lui, une autre idée en tête et la réalisa : lui confier les classes de quatrième CE2 et les 5ème « prérentrée » en 6ème. Des élèves du vieux lion, on retrouve aujourd’hui des médecins, des avocats comme moi-même, des pilotes, des diplomates, des ministres, des sages-femmes, des enseignants, des professeurs, des officiers de la gendarmerie, des commissaires de police, des policiers… la liste est longue.
Qui a connu le grand maître, connut les deux vertus avec lesquelles il ne badinait pas : la discipline et l’hygiène, d’abord corporelle, vestimentaire et celle de la classe qui devait être toujours propre et en permanence munie d’un seau d’eau. Monsieur Kouyaté aimait aussi la bonne et belle écriture et tout un chacun de ses élèves devait impérativement s’y appliquer, au risque de se retrouver accusé d’écrire du chinois et de se retrouver moqué à la recréation par ses camarades. Cela dit, le maître avait toujours l’œil et le mot pour redonner sourire à l’élève qui avait fait la mauvaise expérience du tableau noir, en l’appelant à chanter après lui. Il chantait, l’élève répétait et toute la classe après celui-ci qui retrouvait ainsi sourire et fierté.
Les talents de Monsieur Kouyaté Youssouf ne se limitent pas à l’enseignement et à la formation des enfants du pays, loin de là ! Amadou Hampaté Ba ne disait-il pas : « Maa ka maaya ka sa a yere kono » ; ce qui signifie : « Les personnes de la personne sont multiples dans la personne » ? De fait, monsieur Kouyaté Youssouf fut un grand artiste qui fit rayonner l’art et la culture dans le Guidimakha mais aussi dans toute la Mauritanie et au-delà, lors des Semaines de l'Amitié et de la Fraternité qui réunissaient les États de la Mauritanie (Sélibaby), du Sénégal (Tambacounda), de la Gambie (Bassé), du Mali (Kayes), de la Guinée-Bissau (Gabou) et de la Guinée-Conakry (Labé). Dans ce contexte, monsieur Kouyaté exerça les fonctions de Directeur Artistique et Culturel de la troupe de Sélibaby de 1969 à 2012 et mis en œuvre de nombreux ballets dansants, avec des thèmes épiques, riches en savoir et en rythme, car il était un excellent danseur et metteur en scène.
Et ce n’est pas tout ! La personne de Monsieur Kouyaté ne se limite pas à la pédagogie et la culture, loin de là ! Il fut d’abord, de 1969 à 1974, un grand athlète, roi des 100, 4x100, 200 et 4x200 mètres sur piste. C’est tout ? Que non pas ! Les talents de monsieur Kouyaté ne se limitaient pas à ça : il était en même temps footballeur au sein de l’équipe régionale, au poste de milieu de terrain avec feu Sow Amadou, dit Sow Ama, et poursuivit sa brillante carrière en club avec Sélibaby-ville, qui deviendra Diambar…
Et, couronnant le tout, un heureux et fécond père de famille, avec sept enfants et une ribambelle de petits-enfants, qu’il a élevés avec affection et rigueur avec sa regrettée épouse Mariyam qui nous a elle aussi quitté, « paix à son âme », compagnon de toujours ! Monsieur Kouyaté, votre œuvre a eu l’effet de la graine du baobab ! Longue vie à vous car vous avez fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, par la grâce d’Allah, souhanahou wa taala !
Maître Ba N’Gary