Pas de loi antitrust en Mauritanie : un diktat de quel pouvoir ?

5 March, 2025 - 05:10

On s’étonne à bon droit de l’incohérence politique que cela implique : on ne peut pas prétendre mettre fin à l’incurie et la corruption… tout en entretenant les conditions qui les génèrent. Car c’est bel et bien le pouvoir actuellement en place qui a élevé Mohamed Zeïne El Abidine Cheikh Ahmed au rang d’homme d’affaires privilégié. Œuvre de Mohamed ould Abdel Aziz ? Certes mais le successeur de celui-ci n’en a pas non seulement perpétué la démarche mais l’a encore amplifiée, alors que s’accumulaient les preuves des insuffisances dudit personnage. J’évoquais la semaine dernière ses « manquements » dans l’exécution du projet « Aftout ech-Chargui » et les « indulgences » dont l’AFD l’avait gratifié. Cette semaine, c’est « Le Quotidien de Nouakchott » qui fait état des « largesses » de l’État mauritanien qui confie à sa trouble société de génie civil BIS TP la réhabilitation et de l’extension des écoles de la commune de Toujounine. Pour 908 millions MRO. Comme si de rien n’était.

On me rétorquera que ces « faveurs » ne lui sont pas exclusives, à proprement parler, puisque d’autres sociétés – la PME de génie civil TCC, Electotech SA et Best Buy – vont se partager quelque mille six cent vingt millions MRO sur le projet de réhabilitation et d’extension de cent trente-deux infrastructures scolaires de Nouakchott, piloté par Taazour. Mais, quand on constate l’ampleur des activités déployées par l’affairiste – ainsi que le souligne avec pertinence notre estimé confrère : informatique, secteur bancaire, génie civil, hydrocarbures, télécoms, électricité, médias, énergies etc. – on soupçonne bien, là-dessous, une volonté de préserver les intérêts d’un système profondément incrusté dans le fonctionnement de notre République.

Bref, le pouvoir affiché va devoir faire des choix. Continuer à faire « comme si de rien n’était » et s’exposer, preuves à l’appui – comptez là-dessus sur nous ! – à une réprobation croissante envers ces « irresponsabilités protégées » réduisant ses promesses à de vulgaires slogans vides de sens ; ou bien s’attaquer clairement aux insuffisances dans l’exécution des contrats du patron des patrons avec l’État. Si celui-là n’est pas un simple homme de paille de celui-ci – et cela pose évidemment des questions plus troublantes encore… – on apprendra alors vite que ces insuffisances tiennent surtout de l’omniprésence de cet homme sur le marché des affaires. « On ne peut pas être à la fois au four et au moulin », rappelle un célèbre dicton populaire français. Est-ce pour cette raison qu’apparut en 1890 aux USA la première loi antitrust au monde ? C’est peu probable mais une chose est en tout cas certaine : c’est bien celle-ci qui initia leur développement…

                                                                            Ahmed ould Cheikh