Combien aura-t-il fallu brader de millions – sinon milliards – de tonnes de poissons, minerai de fer, cuivre, or et autres trésors de nos fonds maritimes ou souterrains pour nous retrouver, après soixante-cinq ans d’« indépendance souveraine », en manque chronique – et même croissant – d’eau potable ? Nous, c’est-à-dire à peine quatre millions d’autochtones dont près de la moitié est parquée en notre capitale présumée moderne… Certes, cette modernité fut, dès le départ, conditionnée par l’acceptation du rôle – simple fournisseur de matières premières – que les nations dites « développées » ont imposé à celles qui ne l’étaient pas, via une petite oligarchie localisée – le plus souvent militarisée, on en comprend la nécessité… – chargée de faire admettre cet ordre mondial si peu honorable à leur peuple respectif.
Cela limitait évidemment les capacités d’épanouissement de notre première ambition nationale – l’honneur, comme le rappelle dès l’enfance notre devise – mais la promotion effrénée de la consommation de produits de bas-étage made in France, Europe, USA ou autres – chaînon logique de cette organisation internationale des échanges – a largement suffi à éteindre, chez nos gens, toute velléité de relever la tête. C’est donc les yeux obstinément rivés sur leur i-pad que ceux-ci supportent l’assèchement de leur gosier. Enfin pas tous : les efforts de notre oligarchie à faire respecter de leurs concitoyens l’équivoque deal méritaient bien des compensations. Nantis de liquidités suffisantes pour s’offrir de volumineuses réserves d’eau, souterraines à l’ordinaire, ces seigneurs n’ont donc qu’un simple coup de téléphone à donner et quelques dessus-de-table, augmentés, si nécessaire, d’accélérateurs dessous-, pour voir accourir une ou plusieurs citernes ambulantes pas vraiment de nature à réduire le déficit hydrique global…
Cela limite par contre les capacités d’épanouissement de notre seconde qualité nationale – la fraternité – et c’est d’autant plus regrettable que le partage de l’eau, en société musulmane, est une obligation quasiment religieuse. Mais, bon, les besoins des uns ne sont pas ceux des autres : serait-il juste que les jardins de la Présidence de notre République soient moins verts que ceux de la moindre ambassade de nos « partenaires » si actifs dans le développement de notre modernité ? Devrait-on donc ici conclure que c’est en fin de compte le troisième pilier de notre République islamique qui tire son épingle de ce jeu international où le « je consomme donc je suis » débouche inéluctablement sur le « je consomme donc tu meurs »… et notre petite planète bleue avec ? Certains acquiesceront peut-être… d’autres diront que ce n’est qu’un point de vue, aussi amer et réaliste soit-il.
Feylili