Notre pays a réalisé des progrès économiques significatifs au cours des vingt dernières années, augmentant le niveau de vie de ses citoyens. Son économie est aujourd'hui considérée comme l'une des plus compétitives du continent et se classe parmi les pays d’Afrique les plus stables en cette occurrence. Il convient de noter que le revenu par habitant a doublé entre 2001 et 2019, tandis que le taux de pauvreté a diminué jusqu'à un tiers de son niveau de 2001 et que ceux d'alphabétisation et de services de santé augmentaient, tout comme le nombre d’infrastructures de base comme l'eau et l'électricité. Cependant, la croissance économique en Mauritanie n’a pas fourni suffisamment d'opportunités d'emploi aux citoyens en âge de travailler et leur nombre croissant se caractérise également par un vaste secteur informel, des taux de chômage élevés, une faible participation des femmes au marché du travail, la propagation de la pauvreté, des services à faible valeur ajoutée, en plus d'un environnement commercial difficile.
Il convient de noter un autre facteur majeur qui doit être pris en compte lors de l'évaluation des performances du marché du travail que je propose d’engager pour l’année 2025, à savoir la nature et le type d'opportunités d'emploi apparues, le secteur informel ayant joué un rôle important. En effet, la taille de celui-ci représente entre 15 et 20% du produit intérieur brut. Comme tant d’autres pays africains, notre pays souffre d’un taux de chômage élevé, notamment parmi les jeunes hautement instruits. Si l’argument du côté « demande », mettant l’accent sur l’incapacité de l’économie à offrir des emplois hautement qualifiés, ne peut être ignoré, ce phénomène révèle également la mauvaise qualité de l’éducation.
Offre insuffisante
La Mauritanie a cependant connu une expansion rapide de l'offre de services éducatifs au cours des deux dernières décennies, ce qui a amélioré l'accès à l'éducation, la scolarisation et le niveau de réussite. Du coup, le pourcentage de personnes bénéficiant aujourd’hui d’une formation professionnelle a nettement augmenté. Malgré ces efforts, les opportunités d'emploi pour les diplômés de la formation professionnelle restent faibles, comme en témoigne le taux de chômage parmi les bénéficiaires de cette formation : 60% en 2016 contre 25% pour les diplômés généraux. Le taux de chômage continue d'augmenter parallèlement au niveau de formation professionnelle reçue. Quant aux diplômés de la formation professionnelle entrés sur le marché du travail, 40% d'entre eux (contre 10% du reste des diplômés) occupent des postes à niveau inférieur de leur qualification.
Le marché du travail se caractérise par trois défis principaux. Manque d'intégration tout d’abord : les jeunes et les femmes sont considérés comme les moins intégrés au marché du travail car leur participation est particulièrement faible, même si le pourcentage de jeunes instruits a doublé. Si cela indique une amélioration des compétences, le taux de chômage des jeunes n’en a pas moins également augmenté, en particulier parmi les jeunes instruits. Secondement, croissance lente du marché du travail : la production d'emplois n'a pas été suffisante pour accueillir l'afflux de citoyens en âge de travailler car l'emploi formel est concentré dans les grandes entreprises, tandis que les petites et moyennes sont confrontées à de nombreuses restrictions les empêchant de se développer. Et, en trois, faible qualité des emplois : Le caractère informel domine le marché du travail. La croissance de l'emploi non agricole est très lente et l'emploi, dans le secteur tertiaire, est concentré dans les services qui ne nécessitent pas de compétences élevées. En outre, la productivité est faible et les mécanismes de protection et de dialogue social sont insuffisants.
Le marché du travail en Mauritanie connaît cependant des « opportunités de consolation ». L'objectif principal du dialogue que je propose pour l’année 2025 est de fournir une plateforme au gouvernement afin de développer une coopération entre les acteurs et acteurs politiques et stimuler le dialogue sur les questions liées au marché du travail. Malgré le consensus sur la nécessité urgente d’investir en ce domaine, tant quantitativement que qualitativement, les efforts restent faibles et dispersés entre plusieurs parties. À cet égard, le dialogue en matière de lutte contre le chômage que je propose au gouvernement vise principalement à : parvenir à un consensus sur le renforcement de la coordination et de l’harmonisation des efforts entre tous les acteurs et sur la réduction des doubles emplois, grâce à une compréhension commune des questions liées au marché du travail ; identifier les politiques et cadres institutionnels clés qui faciliteront et accéléreront la mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’emploi ; et stimuler le débat sur les stratégies visant à assurer une inclusion économique et des conditions de travail favorables et décentes.
Questions à débattre, entre autres
Ce dialogue concerne les militants qui ont un intérêt et des ressources pour les questions politiques (décideurs, experts, chercheurs, professionnels et employés du gouvernement) ; et divers autres acteurs : ONG, instituts de recherche, associations professionnelles, donateurs locaux et autres organisations de la société civile qui jouent également un rôle important par leur alignement de leurs objectifs et activités sur les politiques publiques. Ces acteurs jouent également un rôle important en plaidant et en attirant l’attention sur les questions prioritaires et en proposant des solutions.
Les politiques actives du marché du travail en Mauritanie ont franchi une étape qualitative avec la fondation de l'Agence nationale de promotion de l'emploi, afin de mettre en œuvre des politiques actives du marché du travail (ALMPS) visant à rapprocher les employeurs des demandeurs d'emploi et à fournir des informations et des conseils aux demandeurs d'emploi et aux jeunes entrepreneurs. Trois programmes principaux ont été lancés en 2019 : intégrer les jeunes, notamment en améliorant le système de formation et en les présentant sur le marché du travail grâce à une formation interne ou à l'adéquation des compétences aux exigences du marché ; augmenter les opportunités d’emploi et la productivité en général ; encourager les petits projets en les soutenant financièrement.
D'autres plans nationaux visent à renforcer la production d'emplois en améliorant les conditions macroéconomiques, comme le Plan Mauritanie Vert que je propose de mette en œuvre pour l’année 2025, ainsi que des politiques sectorielles telles que la réforme du système de retraite, la politique de taux de change et les stratégies sectorielles soutenant la croissance et accélérant la protection sociale de tous les citoyens.
Dans quelle mesure la participation aux politiques actives du marché du travail affecte-t-elle les chômeurs et comment cela affecte-t-il leur comportement sur le marché du travail ? Comment les politiques actives de ce marché peuvent-elles contribuer au développement de la protection sociale et constituer un élément essentiel pour protéger les travailleurs contre les risques inattendus au cours de leur vie professionnelle ? Comment améliorer les environnements de travail, condition préalable à l’intégration sur le marché du travail ? Comment y intégrer les femmes ?
Cette dernière question présente également de nombreuses opportunités et défis pour notre pays. Bien que certains progrès aient été réalisés, comme la suppression des obstacles juridiques à l'emploi des femmes ou l'amélioration de l'accès au microcrédit, elles souffrent toujours d’un manque de droits économiques, de salaires et d'opportunités d'emploi, actuellement toujours inférieurs à ceux des hommes, et sont également confrontées à des normes traditionnelles de genre concernant leurs rôles et responsabilités au sein du secteur familial.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service : « Études et développement »
Établissement Portuaire de la Baie du repos (Nouadhibou)