Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ». L’auteur y dressait un tableau qui ne peut laisser indifférent : « Dans un coin oublié de Nouakchott, à l’îlot H, se cache un marché insolite où des vendeurs informels proposent, au kilo, des morceaux de mémoire nationale. Jadis témoins de l’histoire de la Mauritanie, les vieux journaux et archives sont désormais échangés contre quelques MRU pour finir en emballages ou protections dans les ateliers de peinture de voitures ».
Plus loin, il enchaîne : « Ici, entre détritus et bâtiments délabrés, la mémoire nationale se transforme en simple matériel de récupération sans le moindre respect pour sa valeur historique. Ce qui surprend le plus, c’est la richesse de cette paperasse oubliée. Dans cette décharge, on trouve des documents d’une valeur inestimable : rapports sur l’éducation, la santé, l’urbanisme, correspondances officielles de divers départements, revues d’époque et même des articles de presse et reportages qu’on croyait disparus ». Et l’auteur de soulever des questions cruciales : comment préserver notre Histoire ? Comment assurer que notre passé ne soit pas vendu en morceaux au marché ?
Dans le même ordre d’idées, il y a quelques années, un préfet fraîchement affecté à Mederdra décidait de brûler toutes les archives du département, dont des centaines de documents datant de l’époque coloniale et relativement bien conservés. N’ayant aucune idée de leur valeur historique, il voulait libérer un bureau pour sa secrétaire. « Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir », disait le maréchal Ferdinand Foch. D’autant moins que, sans celle-ci, on se demande de quelle instruction pourrait se vanter notre « école républicaine » et nos enfants ainsi désinstruits, de quelle liberté…
Ahmed ould Cheikh