La Grande Bretagne : Première responsable de tous les malheurs du peuple palestinien.Par Moussa Hormat-Allah, Professeur d’université, lauréat du Prix Chinguitt

23 October, 2024 - 15:45

La Grande-Bretagne répondra devant l'histoire de l'initiative qui a conduit au drame palestinien. Ce qui, naturellement, n'exonère pas les autres puissances coloniales qui ont commis tant de crimes contre la Oumma. Mais dans ce sinistre registre de violence et de barbarie, la Grande-Bretagne tient une place de choix. Une place à la hauteur de son empire colonial sur lequel le soleil ne se couchait jamais.[1]

De quoi s'agit-il? Il s'agit de la création, par l'Occident chrétien à l'initiative de la Grande-Bretagne avec un habillage onusien, en plein cœur du monde arabe, de l'Etat d'Israël.

L'Occident, en particulier la Grande-Bretagne, a sur la conscience les dizaines de milliers de victimes des cinq guerres israélo-arabes et celles des vagues de violence qui déferlent sur la sous-région depuis plus de soixante-dix ans.

En effet, depuis la création de l'Etat d'Israël en plein cœur du monde arabe, les Israéliens, fort du blanc-seing donné par l'Occident, ont apporté la mort et la désolation parmi le peuple martyr de Palestine dont le seul tort est de vouloir défendre sa terre. Une agression sioniste légitimée et légalisée de fait par l'ONU, une institution qui sert de paravent à l'expression de la volonté des puissances occidentales.

Si on excepte certains crimes comme l'usage des armes chimiques contre le Rif marocain par les Espagnols ou les essais nucléaires français à ciel ouvert en Algérie, les effets de la colonisation restent, somme toute, malgré leur cortège d'horreurs, limités dans le temps et dans l'espace. Tel n'est pas le cas de la colonisation britannique qui est sans doute la pire de toutes. Par son aspect insidieux et pernicieux, elle a été conçue pour durer et ses effets néfastes, telle une série de bombes à retardement, sont décuplés avec le temps. Il s'agit, en réalité, d'une plaie toujours ouverte.

 

 

La Palestine, terre juive ? Soyons sérieux

Le comble est que les atrocités commises par Israël sont perpétrées au nom de la libération, de la défense et de l'unification du "territoire national" israélien.

Les juifs veulent accréditer la thèse fallacieuse que la Palestine a toujours été une terre juive et que la création de l'Etat d'Israël, en 1948, n'est qu'un juste retour des choses. Que répondre à de telles inepties ?

Sauf à vouloir se fourvoyer dans les labyrinthes insondables d'une histoire qui remonte à la nuit des temps, on ne saurait s'amuser à retracer l'itinéraire des peuples et des nations qui se sont succédés sur la terre. Toutefois, un fait est unanimement admis par les historiens : la Palestine est arabe depuis plusieurs millénaires. A-t-elle été habitée, un temps par les Hébreux?[2] A la limite, la question n'a plus qu'un intérêt historique. Car en Europe, par exemple, avec les invasions et les conquêtes (vagues indo-européennes, celtes, peuples germaniques…) nombre de territoires ont changé à plusieurs reprises d'habitants, de souveraineté et d'identité.

Il en résulte qu'en dehors de la prise en compte de la configuration de l'Europe actuelle, rares sont les spécialistes qui peuvent démêler l'écheveau du maquis historique pour déterminer à quoi correspondaient les entités géographiques de jadis et à quelles populations elles appartenaient.

C'est dire que si on devait, comme le fait Israël en Palestine, prendre comme critère de propriété une lointaine et éphémère relation avec une entité géographique, aucun Etat européen actuel ne pourrait revendiquer valablement et, encore moins, justifier sa souveraineté sur son propre territoire en remontant plusieurs millénaires dans le temps.

 

 

 

Démêler l’écheveau du maquis historique

La France, par exemple, était un territoire celte, habitée par une multitude de peuples disparates vivant sur plusieurs Gaules : Gaule Belgique, Gaule transalpine ou narbonnaise, etc.

Les Gaulois formaient ainsi la base du peuplement de la France mais aussi du Nord de l'Italie, de la Suisse et de la Belgique.

Pour ne prendre que ce seul exemple et en y appliquant le principe des revendications territoriales israéliennes sur la Palestine, la Suisse serait fondée à réclamer la France comme partie intégrante de son territoire, car il s'agit d'un lieu où ont vécu longtemps les ancêtres de son peuple. Elle pourrait en faire autant avec l'Italie, la Belgique, etc. Un imbroglio dont on ne s'en sortirait pas.

En effet, combien de peuples ont été exterminés ou chassés de leurs foyers au gré des soubresauts de l’histoire ? Combien de pays ont perdu leur identité originelle, leurs habitants ayant fui, pour toujours, les guerres ou les persécutions vers d'autres contrées…?

Seul Israël, par la volonté de ses protecteurs occidentaux, n'est pas soumis à ces lois historiques. Une parenthèse concernant la vie des Hébreux en Palestine, il y a des millénaires, devient ainsi une preuve nécessaire et suffisante pour fonder et légitimer les prétentions juives.

Comme par enchantement, la mécanique inexorable du temps a été arrêtée et des millénaires d'une histoire mouvementée des peuples et des nations oubliés. Contre vents et marées, l'Etat d'Israël doit être créé… Recréé.

Création d’Israël : Un déni de l’histoire

En 1917, le ministre britannique des affaires étrangères, Arthur Balfour en réponse à une lettre-requête du puissant banquier et homme d'affaires juif Edmond de Rotschild, promet au peuple juif la création d'un foyer national sur la terre de Palestine. La conjoncture internationale se prêtait bien à cette promesse. Après la Première Guerre Mondiale, c'est l'Angleterre qui occupa la Palestine, jusque-là partie intégrante de l'Empire ottoman.

Balfour qualifie la Palestine de "terre sans peuple pour un peuple sans terre". La Palestine était alors peuplée d'un million de Palestiniens.

Evoquant cet engagement de Balfour envers les juifs, Arthur Koestler écrira : "Une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d'une troisième". Un dernier "fait" colonial né du partage des empires. Les puissances occidentales ont en outre été réceptives à la propagande sioniste. Le dirigeant sioniste Herzl répétait, à qui voulait l'entendre, que l'Etat (juif) qu'il allait créer sera "une base avancée de la civilisation dans l'Orient barbare".

On pense généralement que la création de l'Etat d'Israël est liée à la Shoah. En réalité, la création de l'Etat hébreu n'a aucun lien avec les crimes que les nazis allaient commettre. Elle a été décidée bien avant la Shoah. "Le génocide perpétré durant la Seconde Guerre Mondiale ne joue pas un rôle majeur dans l'adoption du plan de partage de la Palestine (29 novembre 1947). S'il alimente, bien évidemment, la sympathie des opinions publiques du Nord à l'égard du jeune Etat, il n'a pas encore conquis la place centrale qu'il occupera à partir de la fin des années 1960 : d'un côté, les dirigeants d'Israël veulent donner une image de juifs combattants à l'opposé de ceux qui se sont "laissés conduire à l'abattoir"; de l'autre les juifs sont considérés comme des victimes du nazisme au même titre que les déportés politiques ou les Tsiganes.

La juiverie mondiale à l’œuvre 

1962 et le procès Eichmann, 1967 et la guerre de juin, les années 1970 et la "découverte" de la collaboration en France et en Europe donneront une dimension nouvelle au génocide et influeront de manière importante sur la perception du conflit israélo-palestinien et, aussi, sur sa mondialisation"[3].

L'Etat d'Israël a donc été créé bien avant la Shoah. "Le Royaume-Uni qui avait obtenu, en 1922, le mandat de la Société des Nations (SDN) sur la Palestine, se voyait aussi confier la mise en œuvre de la "promesse Balfour" (2 novembre 1917), un engagement pris par Londres de favoriser la création d'"un foyer national juif"[4].

L'Etat d'Israël a donc été créé bien avant la Shoah. Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale de l'ONU vote le partage de la Palestine et l'entité sioniste sera créée le 14 mai 1948.

Il faut noter que les Etats occidentaux étaient alors majoritaires à l'Assemblée générale de l'ONU. Cette tendance sera radicalement inversée avec les vagues d'indépendances des pays du tiers monde.

Toutefois, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'ex-URSS (la Russie) et la Chine garderont leur redoutable droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU.

Depuis sa création et jusqu'à ce jour, l'Etat d'Israël entreprend, dans l'impunité totale, les pires exactions et les crimes les plus barbares en Palestine occupée. Ces violences inouïes de l'Etat sioniste sont commises avec la complicité active de l'Occident, au vu et au su de tout le monde.

Se contentant, dans le meilleur des cas, d'une dénonciation du bout des lèvres, l'Occident ne s'est jamais opposé aux massacres des populations civiles palestiniennes par l'armée israélienne – l'une des plus puissantes et des mieux équipées au monde. Pire, il s'est toujours arrangé pour que la justice pénale internationale n'inquiète pas les bourreaux du peuple palestinien martyr.

Impunité totale pour les bourreaux du peuple palestinien

Le général israélien Ariel Sharon a été un moment menacé en Belgique en vertu de la clause de compétence universelle qui permet à tout Etat signataire de cette convention d'arrêter et de traduire en justice sur son propre territoire toute personne étrangère accusée de crime de guerre, de crime contre l'humanité ou de génocide.

Mais très vite, devant la pression des Etats-Unis et des pays européens, la Belgique a fini par réfréner ses velléités de justice et rentrer dans le rang. On lui a, sans doute, fait comprendre que ce genre de procédure est réservé, dans les faits, aux tortionnaires et bourreaux africains, asiatiques ou latino-américains.

Des gens comme Ariel Sharon ne sont pas et ne peuvent pas être concernés. "Pourtant, du 16 au 17 septembre 1982, plus d'un millier de réfugiés palestiniens et de civils libanais ont été massacrés dans les camps de Sabra et Chatila dans la banlieue de Beyrouth au Liban. Des hommes, mais aussi des femmes et des enfants, ont été égorgés, empalés, éviscérés, violés par les milices chrétiennes phalangistes sous le regard bienveillant et complice de l'armée israélienne.

Ce crime contre l'humanité orchestré, notamment, par l'Etat colonial et raciste d'Israël et par Ariel Sharon, en particulier, n'est malheureusement qu'un des nombreux massacres qui jalonnent la création de cet Etat. Le massacre de Sabra et Chatila s'inscrivait dans le cadre de la guerre lancée par Israël pour mettre définitivement un terme à la présence de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) au Liban et à la résistance du peuple palestinien, et de manière plus générale, dans la politique d'épuration ethnique inscrite dans le projet sioniste"[5].

Chassés de leur terre ou fuyant les exactions de l'armée israélienne, les Palestiniens ont essaimé un peu partout dans les pays de la sous-région. Entassés dans des camps de fortune, immenses cachots à ciel ouvert, ils survivent dans la misère, l'insalubrité et la maladie et sont étroitement surveillés par les autorités des pays d'accueil. Mus par l'espoir de retrouver un jour leur patrie, les Palestiniens résistent depuis plus de soixante-dix ans dans l'adversité. Une situation poignante où des femmes, des enfants et des vieillards affaiblis par la maladie et la faim, endurent au quotidien, dans l'indifférence quasi générale, un calvaire indescriptible.

                                 (A suivre)

 

 

1-cf. Moussa Hormat-Allah, L'Islam, l'Occident et la violence.

2. Un historien juif écrit notamment: "Quelque part entre 1800 et 1500 av. J.C., on pense qu'un peuple sémite appelé Hébreu (hapiru) a quitté la Mésopotamie pour s'installer en Canaan. Canaan était alors habitée par différentes tribus y compris des peuples sémites, des Hittites et plus tard des Philistins, les peuples de la mer supposés être arrivés de Mycènes ou avoir appartenu aux peuples de la Grèce antique qui se sont également installés à Mycènes". cf. Ami Isseroff, A Brief history of Israel, Palestine and the Conflict, traduit par Paul Fays.

3-Alain Gresh, Israël, l'impunité jusqu'à quand? Le Monde diplomatique, mai 2010.

4-ibid.

5- Sabra et hatila : un des nombreux massacres commis par l’Etat colonial d’Israël, Comité Action Palestine, septembre 2008

 

 

 

 

 

[5]. Sabra et Chatila: Un des nombreux massacres commis par l'Etat colonial d'Israël, Comité Action Palestine, septembre 2008.