Dès l’installation du président Ghazouani, il se chuchotait qu’il était venu poser la dernière touche à l’arabisation du pays. Ces rumeurs n’étaient pas infondées : rappelons que l’arabisation des forces armées et de sécurité, promouvant l’arabe en langue de recrutement et de travail, c’était lui. La réforme de l’Enseignement d’il y a quelques années, faisant de l’arabe la langue d’enseignement de l’histoire, de la géographie, de la philosophie et de l’IMCR, c’étaient Abdel Aziz et lui !
Depuis 2019, les panneaux publicitaires et plaques d’immatriculation des voitures qui surgissent çà et là rédigés uniquement en arabe et, aujourd’hui, les tablettes en usage pour le recensement des populations configurées dans cette langue, en mépris des non-arabophones, c’est encore lui ! Enfin l’augmentation, au cycle primaire, du temps d’apprentissage de l’arabe de 19 à 24 heures, l’année dernière en 1ère année, puis en 2ème année au cours de cette rentrée, c’est encore lui ! Les Journées Nationales de Concertation, en Novembre 2021, avec leurs résolutions délibérément ambigües sur le statut à accorder à chaque langue nationale, c’est toujours lui ! Ambigüité depuis levée, à la rentrée d’Octobre 2023, avec la mesure stipulant que l’enseignement des mathématiques et des sciences se fera désormais en arabe, rien qu’en arabe.
Nos langues ne seront donc utilisées qu’en langues de communication tout court, langues de folklore enseignées aux dominants pour mieux asseoir leur colonisation… C’est le sens du cinéma qu’on nous sert depuis quelques jours dans les écoles normales d’instituteurs, à travers cette vidéo de Kaédi qui circule. Rappelons que cette nouvelle réforme fait table rase, contre tout bon sens, des acquis et des acteurs – encore vivants – de la belle expérience de l’Institut des Langues Nationales (INL). Et voilà qu’on engage simultanément et sans attendre – chose des plus insolites – une expérience nouvelle à ce sujet… tout en accélérant au pas de charge l’arabisation tous azimuts de l’École et de l’Administration ! C’est dire combien ce que l’on nous propose n’est que mystification, un subterfuge imaginé pour gagner du temps, endormir les résistances. Bref, un piège à nigauds !
Rouleau compresseur
Il est quasi certain qu’on nous sortira, en conclusion de l’expérience, « qu'elle n’a pas été concluante »… Pourquoi ? Parce que les tenants du Système ne sauraient faire machine arrière, au regard du rouleau compresseur en marche et des acquis engrangés, dans l’intervalle, pour asseoir la suprématie de la langue arabe. Parce qu’on n’arrête pas, par idéologie, une expérience pleinement réussie, de l’avis de tous, après cinq ans d’essai, pour en laisser passer une autre avec la même idéologie qui gouverne et ne saurait remettre en cause ou sacrifier des acquis. Question de logique et de bon sens : on ne saurait vouloir une chose et son contraire… Encore une fois, il n’y a que les benêts pour gober cela !
Voilà donc le contexte où l’on nous demande de croire que ce Président serait prêt à céder sur « l’officialisation du pulaar, du sooninké et du wolof » ! Histoire de vendre le « Pacte républicain », je présume… De qui se moque-t-on ? Ce qui se dégage de tout cela, pour un esprit lucide et honnête, c’est qu’on nous trompe. On veut faire de nos langues, non pas des langues véhicules d’enseignement ou d’acquisition du savoir pour nos enfants enracinés dans leur culture, mais juste des langues de support à l’arabe, pour sa généralisation et son imposition. Au mépris de la diversité culturelle et ethnique du pays. Tout cela est inacceptable ! Nous nous battrons pour qu’il n’en soit pas ainsi.
Depuis Moctar, on n’aura jamais assisté à des politiques aussi chauvines que celles impulsées par Abdel Aziz et Ghazouani ! Mohamed Lemine ould Dahi ne dit rien d’autre lorsqu’il affirme ce qui suit, dans les colonnes de Jeune Afrique (Juin 2021) : « Il subsiste un grand déséquilibre au niveau de la représentation politique. Notre pays est pluriethnique mais il me semble que l’actuel Président n’a pas encore pris cela en considération. » Ouvertement affiché et assumé, le déni de notre diversité montre que les tenants du Système n’ont pas renoncé à leur agenda de colonisation et d’assimilation forcée. Il faut, selon eux, copier le Maghreb à tout prix, dans toutes ses facettes d’aliénation.
Que ceux qui sont en charge du pilotage de cette réforme scélérate pour l’enseignement de nos langues nationales prennent la mesure des enjeux et comprennent leur responsabilité face au peuple et devant l’Histoire ! L’option choisie n’est pas sans danger, croyez-nous. Et ce qui se passe ailleurs en témoigne : par sa puissance et la force de ses alliés, Israël n’a cessé de croire avoir gagné la guerre, tout comme Bamako croit avoir liquidé la question touarègue… Erreur sur toutes ces lignes ! Il nous faut nous ressaisir !
Samba Thiam
Président des FPC
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