Depuis qu’il a été promu Premier ministre, Moctar Ould Diay multiplie les chantiers. On l’a entendu sur la lutte contre la gabegie, la rationalisation de l’administration, la ponctualité des travailleurs, les prix et les télécommunications. Tout y passe ou presque. Cette multiplication de projets vient comme pour rassurer les Mauritaniens qui attendent des actes, pas des slogans et des discours creux. L’homme de Maghta Lahjar sait qu’il est très attendu. D’abord par le président de la République qui a trouvé en lui un grand bosseur, capable de tout bousculer sur son passage, un homme aux missions difficiles. Ould Ghazouani a besoin de lui pour faire en quelque sorte oublier les ratés du premier quinquennat mais aussi et surtout sortir la tête très haute au terme de son quinquennat.
Un parcours qui risque pourtant de connaître nombre de secousses et de conflits d’intérêt dans la perspective de sa succession, ainsi que le président du Conseil constitutionnel a tenu à avertir du risque toute la classe politique. Le président Ghazouani compte donc sur son PM. L’homme connaît le landernau politique de la majorité et tentera certainement d’assainir l’INSAF en y plaçant ses hommes, alors que beaucoup au sein de celui-ci ne lui pardonnent déjà pas d’avoir placé ses proches lors des dernières élections locales, une tactique qui avait poussé les mécontents à se présenter sous les couleurs d’autres partis de la majorité.
Remous prévisibles
Trop de remous en perspective ? Le Président n’hésitera sans doute pas à dissoudre alors le Parlement pour mieux asseoir sa force. Et, ce faisant, répondre aussi à la demande des partis de l’opposition qui attendent depuis des années leur reconnaissance. Les élections locales qui s’en suivraient permettraient à coup sûr au PM de sécuriser en quelque sorte la sortie du Raïs. Mais le PM doit déjà, en-deçà de toutes ces hypothèses, éviter beaucoup d’écueils : la corruption, la mauvaise gestion des grands chantiers structurants à cause de l’incompétence ou des détournements des deniers publics, le tribalisme, le népotisme, etc. Nombre de mauritaniens se souciant beaucoup plus de leurs propres intérêts et ceux de leurs tribus n’hésiteront pas à lui chercher des poux sur la tête. Et que pourrait faire le président de la République si la grogne monte du côté des hommes d’affaires visiblement plus préoccupés par le coût des mariages que par celui des denrées de première nécessité ? Et si la « fracture », dont parlent de malins esprits, entre le PM et certains puissants ministres de souveraineté s’agrandissait et parvenait, qui sait, à paralyser le fonctionnement du gouvernement ? Auxquels cas le président de la République qui a jeté son dévolu sur Ould Diay arbitrerait-il en faveur de ce dernier ou le sacrifierait-il ?
Œuvres à l’appui
En attendant, laissons les supputations aller bon train, accordons au PM des circonstances atténuantes et jugeons-le à l’œuvre, puisque l’écrasante majorité de la population mauritanienne, si longtemps bernée par de faux espoirs, souhaite des changements constructifs. Notamment dans la gouvernance : la Mauritanie est très riche, la Nature l’a dotée d’énormes ressources mais, très mal gérées, elles n’ont profité qu’à une infime minorité. Ould Diay pourrait-il s’attaquer de front aux différentes oligarchies civiles et militaires qui se sont enrichies de manière éhontée et continuent, comme si de rien n’était ? Peut-il scier la branche sur laquelle le système qui régente le pays est assis ? Voilà la seule question qui vaut ! On lui prête au PM la volonté et les capacités d’agir et de faire avancer le pays : permettons-lui donc de faire ses preuves… et on le jugera à ses œuvres.
Dalay Lam