Il était presque 18h, ce samedi 15 juin, des camions déversent des cargaisons de moutons au marché de bétail d’El Mina ; on sent que certains ont accusé la souffrance du voyage ; des revendeurs rassemblent, en petits troupeaux, leurs bêtes pour bien les surveiller et surtout pour éviter leur fuite, des voleurs en profitent pour disparaître avec. Les bêtes proviennent de Bassiknou, d’Adel Bagrou au Hodh Cherghi, de Tintane au Hodh Gharbi, et même d’Ajouer au Trarza. Les clients venus de tous les quartiers de la capitale marchandent dur pour acquérir le mouton du sacrifice ; ils se plaignent tous de la cherté des bêtes. C’est cher : tel est le mot qui fuse des bouches de acheteurs mais également de quelques vendeurs. Pour une bonne bête, il faut compter à partir de 60 000 Ouguiya (anciens), indique un boucher accompagné de son ami douanier, en quête de mouton. Les espèces élevées par certaines familles à Nouakchott sont plus chères, leurs prix peuvent monter jusqu’aux centaines de mille, c’est devenu un véritable business pour certains Nouakchottois, on les rencontre en ville à la recherche de cartons, de restes d’aliments dans la rues de la capitale. Le prix de l’espèce appelée Laadoum peut atteindre, quant à lui, jusqu’à un million d’Ouguiya anciens.
Ahmed, revendeur, arrivé de Bassiknou avec une cargaison de moutons, l’œil rivé sur ses bêtes et sur les potentiels acquéreurs, explique la cherté des bêtes par la rareté de l’aliment de bétail qui peut venir du Mali, le coût du transport – une remorque est louée entre 500 et 700 mille anciennes Ouguiyas, aussi sur place, il faut nourrir les bêtes, les surveiller avant de les écouler en 3 jours. Avec une pointe d’humour, il raille : vous les gens de la capitale, vous ne connaissez pas la valeur des bêtes, vous ne donnez rien, vous êtes très chiches ».
Accompagné de son fils, Zeinabou, venue du PK8 se plaint elle aussi : « Chaque année, c’est la même chanson, les moutons sont toujours chers et le gouvernement ne fait rien pour endiguer cette spirale ». Moctar, habitant de Dar Naim, déplore : « cette année, la fête est tombée en plein milieu du mois, les salaires ne sont pas payés, on souffre, nous, les pères de famille, on doit jongler pour en sortir ». Poussant le petit mouton qu’il a acquis à 4000 MRU, Yahya raconte qu’il était prêt à donner 5000 MRU pour un mouton un peu plus grand, mais le revendeur a refusé, alors, il s’est rabattu sur celui-là ; il attendait un taxi pour rentrer chez lui, à Arafat.
Sur presque un km, du Carrefour Nancy au carrefour Dar el Baida, (terminus de l’ancien marché de bétail d’Elmina), on entend toujours les mêmes plaintes, c’est cher, en dépit de la présence de beaucoup de bêtes de part et d’autre de la route du Wharf sur laquelle la circulation était indescriptible, l’indiscipline et l’incivisme des conducteurs et de certains citoyens y est déplorable : embouteillage, présence des bêtes, des clients et surtout de toutes sortes de véhicules, garés n’importe où et n’importe quoi. La police de la voix publique, ancien GGSR, brillait par son absence.