Malgré leur récente émergence en 2018, les Conseils Régionaux (CR) en Mauritanie sont devenus des acteurs majeurs dans le tissu de l'administration décentralisée, jouant un rôle crucial dans la gouvernance locale. Ils agissent en tant que plateformes de coordination pour améliorer l'utilisation des ressources régionales et incarnent une approche participative du développement régional. Dans cet article, je souhaite mettre en lumière quelques réalisations remarquables et proposer des recommandations visant à développer les CR et à améliorer leur cadre décentralisé, contribuant ainsi à soutenir notre expérience de gouvernance participative.
Des réalisations significatives dans la voie du développement décentralisé
Les dernières années ont vu des étapes importantes pour renforcer la politique de décentralisation en général et les CR en particulier. Cela se manifeste clairement dans les déclarations répétées du président de la République, affirmant que la décentralisation est un pilier du développement et un choix irréversible, exprimant une conviction profonde en son importance pour établir les bases d'un développement global et rapprocher les services publics des citoyens où qu'ils se trouvent. Parmi les principales étapes enregistrées dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les CR ou soutenant le processus de décentralisation de manière générale, on peut citer :
La mise en place d'un Conseil National de la Décentralisation et du Développement Local ; l'élaboration d'une stratégie nationale de décentralisation et de développement local ; la construction de sièges pour les CR ; l'allocation de budgets d'investissement aux CR et leur attribution d'un titre indépendant dans le budget général de l'État ; la fondation de comités régionaux et locaux de développement économique et social ; la mise en place de commissions régionales des marchés publics ; la conclusion d'accords de financement importants avec le ministère de l'Agriculture et la délégation Taazour ; l’établissement de dix-neuf nouvelles municipalités pour améliorer la gouvernance locale et rapprocher les services publics des citoyens ; l'octroi d'une nouvelle indemnité aux maires (20 000 MRU) et leur fourniture d'une assurance-maladie auprès de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) ; l'augmentation de l'enveloppe du Fonds Régional de Développement (FRD) de 22%, atteignant 450 000 000 d'ouguiyas en 2024 ; le lancement d'un programme de gestion des déchets solides dont 209 municipalités bénéficient, avec un budget de 243 000 000 MRU pour l'année en cours 2024 ; l'implication des autorités locales dans la conception et la mise en œuvre de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP).
Recommandations pour soutenir le processus de développement des CR
Malgré les progrès significatifs réalisés, il reste encore un long chemin à parcourir pour permettre aux CR de jouer efficacement leur rôle. Leur développement en Mauritanie exige une approche globale et coordonnée, comprenant des réformes législatives, institutionnelles et financières. Voici quelques recommandations pour renforcer ces entités et atteindre un maximum d'efficacité :
Renforcer les capacités financières
Augmenter les budgets de fonctionnement pour permettre aux CR d'attirer et d'employer les compétences techniques nécessaires à la conception et à la mise en œuvre efficaces de programmes de développement ; accroître les budgets d'investissement et les restructurer sur la base de programmes et d'objectifs ; développer des systèmes fiscaux locaux efficaces pour diversifier les ressources financières des CR et assurer leur autonomie budgétaire ; établir des mécanismes permettant aux CR de générer des ressources autonomes grâce à des activités économiques locales et des partenariats public-privé.
Renforcer les capacités administratives
Dotation aux CR d’un régime spécifique et autonome de fonction publique régionale. Formation et recrutement : proposer des programmes de formation continue pour le personnel des CR afin de développer leurs compétences en gestion, planification et mise en œuvre de projets ; recrutement d'experts techniques et administratifs pour soutenir les CR dans leurs missions. Transfert de compétences : accélérer le transfert de certaines compétences administratives des ministères centraux aux CR, en particulier dans les secteurs de l'éducation et de la santé, dans le cadre d'un système de fonction publique régionale. Transfert des allocations financières et des ressources liées aux compétences transférées pour permettre aux CR de s'acquitter de leurs responsabilités. De nombreuses compétences transférées n'ont pas encore bénéficié du transfert de leurs allocations financières depuis les budgets des ministères concernés.
Renforcer le cadre institutionnel et juridique
Cadre législatif : formulation et adoption de lois régissant les biens immobiliers des CR, leur permettant de posséder et de gérer leurs biens publics et privés ; étude et élaboration d'un cadre juridique et réglementaire pour les institutions, agences, programmes et projets régionaux. Gouvernance et transparence : fondation d'organes de contrôle régionaux et activation des Cours des comptes régionaux ; adoption et mise en œuvre d'un système national de performance, de gouvernance, de durabilité et de solidité financière des collectivités locales.
Renforcer la coordination et la coopération
Coordination entre les institutions : fondation de plates-formes de coordination entre les CR, les groupes locaux, les ministères, les agences nationales et les partenaires internationaux ; restructuration des ministères afin que les départements centraux liés au développement deviennent des départements régionaux relevant des CR et orientés vers la mise en œuvre des plans de développement régionaux ; partenariats et coopération : encourager les partenariats avec le secteur privé, les organisations non gouvernementales et les organisations internationales pour mobiliser des ressources supplémentaires et partager les meilleures pratiques ; faciliter l'échange de compétences et d'expériences entre les CR grâce à des réseaux régionaux et nationaux.
Participation citoyenne et développement local
Encourager la participation des citoyens à la prise de décision et à la mise en œuvre des projets locaux en organisant des consultations publiques et en renforçant les mécanismes de rétroaction ; soutenir les initiatives locales et communautaires pour stimuler le développement économique et social à la base.
En conclusion, la décentralisation demeure le modèle contemporain essentiel pour dynamiser et moderniser une administration centrale qui requiert une réforme profonde de ses systèmes, de ses structures et de ses pratiques. Il est indéniable que le développement local et l'avancement économique représentent les fondements les plus solides de l'unité nationale, assurant ainsi sa pérennité et sa résilience.
Abdallahi Cheikh El Maloum
Directeur régional du Trésor en Adrar