Comme il y a quarante ans, voilà les fameuses visitations au cours desquelles le pays va là où va son président. Avec toujours les mêmes phénomènes qu’il y a quarante ans : des fonctionnaires issus de là où va le Président, enrégimentant, comme il y a encore quarante ans, des populations toujours naïves, ghazwaniables, corvéables à merci et embarquables vers là où va le Président, comme il y a encore quarante ans ; de très vieilles têtes qui étaient en 1985 déjà à Néma ; des fossiles encore toujours là à jouer la comédie et, s’il vous plaît et excusez du peu, toujours les mêmes rôles, les mêmes regards et les mêmes petits calculs mesquins et machiavéliques. Il y a quarante ans, ils étaient à peine vieux et encore opérationnels en ministres, directeurs, chefs de service, officiers, petits commerçants ou rien du tout. Les revoici un peu plus rouillés mais toujours aussi opérationnels en présidents de conseil d’administration, notables, gros hommes d’affaires ou encore toujours rien. Comme il y a encore quarante ans, quand le Président va, il faut aller. Quand il revient, il faut revenir. Quand il repart, il faut repartir ; quand il revient, il faut revenir. Avec le même rituel, le même sourire, la même force. Même public aux premières loges de Bassiknou, mêmes frimousses aux premières loges de Boulenouar. Mêmes rires et mêmes sourires. Il y en a qui étaient au congrès d’Aleg du 5 Mai 1958, à la cérémonie de la nationalisation de la MIFERMA, au premier rang des marcheurs soutenant le coup d’État du 10 Juillet 1978, puis à applaudir les membres du CMRN et du CMSN, embrasser les sauveurs du 12/12 dont aucun d’eux ne se rappelle quel mois c’était et les voici encore à magnifier les « justiciers et démocrates » du 5 Août, en attendant dix à quinze années encore pour soutenir, toujours là et très vivants, celui qui viendra en bon « ami des visiteuses ». Conseil des ministres délocalisé. Ça sert à quoi ? Que les ministres se réunissent à Nouakchott ou à Magta Lahjar, quelle différence ? Le communiqué de leur conseil ne changera pas. Le point de presse du porte-parole ne changera pas. Les nominations ne changeront pas. Projets de loi, conventions de prêt ou protocole d’accord, une très vieille chanson que le peuple a tellement entendue et qu’il récite comme l’ancien hymne national : comme quoi les choses marchent excellemment ; les petits heurts enregistrés sur la frontière avec un certain voisin qui a rappelé son ambassadeur ne sont qu’habituels et passagers ; le prix des tomates, des carottes et des œufs est maîtrisé grâce aux instructions très sages du président de la République et à la politique du Premier ministre. Enfin le conseil a pris les mesures individuelles suivantes, proportionnellement aux biceps, à l’intrusion, à l’allégeance, à la proximité, promiscuité et autres du ministre directeur du cabinet du président de la République, du ministre de la Défense, de celui de l’Intérieur ou de toute autre personne et non-personnalité. Comme ça, tu peux nommer quatre ou cinq ou six de tes proches, de ta wilaya, de ta moughataa ou de ta tribu. Quand la pagaille règne, pourquoi y aller avec le dos de la cuillère ? Salut !
Sneiba El Kory