Telle est la question que nombre d’observateurs et les militants de ce parti se posent depuis quelques temps. Le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) est en effet secoué par des divergences en son sein depuis plusieurs mois. Deux groupes se disputent la succession de l’opposant historique Ahmed Ould Daddah qui méritait mieux que ce spectacle pitoyable. L’homme a tout fait pour ce parti. Très âgé et malade, Ahmed s’efforce pourtant de toujours mener la barque mais celle-ci tangue de plus en plus dangereusement. Et voilà qu’un des hauts responsables du parti, Abderrahmane Mini, vient d’en claquer la porte et la préparation du prochain congrès convoqué par le vieux patron se complique. Les gens seraient à couteaux tirés.
Début de la contestation
Le premier groupe comprend maître Yacoub Diallo, Limam Ahmed Mohamedou et Abderrahmane Mini ; le second, Nana Cheikhna et Abdallahi ould T’Fagha. Ils ont dévoilé les marqueurs de leur division lors de l’évacuation en France d’Ahmed ould Daddah pour des soins. Celui-ci avait, « conformément au règlement et à l’usage », confié l’intérim au vice-président maître Yacoub Diallo, un des ténors du parti. Une décision immédiatement contestée par des membres de la commission politique qui s’empressait, dans un communiqué, de qualifier d’«illégale» cette directive. Une première dans les annales de ce parti de l’opposition traditionnelle.
Depuis, Ahmed Daddah n’a visiblement pas réussi à calmer les ardeurs des uns et des autres. Son soutien à son vice-président pour diriger le parti jusqu’au prochain congrès fut même une seconde goutte d’eau qui accentua les divergences. Dans cette guéguerre, le groupe de Yacoub Diallo s’est vu accusé par ses adversaires d’avoir fermé le siège du parti pour empêcher la tenue d’une réunion du bureau exécutif avec le président Ahmed ould Daddah. « Rien tout cela ! », s’en est indignée la direction de communication du RFD, dans un communiqué publié le lundi 25 Mars (voir l’encadré). « Quelle inimaginable humiliation c’eût été envers le digne fondateur de notre parti ! », lâche un membre du groupe Diallo. La guerre des tranchées est bel et bien lancée.
Pourquoi en est-on arrivé là ?
De l’avis des observateurs, c’est l’élection de l’actuel président Ghazwani qui a jeté le RFD dans la tourmente. Nana et compagnie reprochent à l’autre camp d’avoir entraîné Ahmed ould Daddah et le parti dans le giron du pouvoir, de leur avoir fait changer de discours et même perdre leur place au sein de l’opposition. Selon eux, les résultats catastrophiques du parti aux dernières élections municipales, régionales et législatives de Mai 2023 s’expliqueraient par ce rapprochement avec le pouvoir. La signature du pacte républicain avec l’INSAF et l’UFP est venue conforter ce reproche. Tout comme les quelques nominations de plusieurs membres du parti à des postes de responsabilité par le gouvernement. L’atmosphère du prochain congrès prévu samedi prochain risque d’être très tendue, chacun des groupes voulant démontrer ses capacités et sa position majoritaire. Que feront alors les minoritaires ? Boycotter ? Le spectre de la fameuse période UFD et UFD/EN va-t-il ressurgir ? Dommage pour le RFD et son président Ahmed ould Daddah qui donnèrent leurs lettres de noblesse à l’opposition et à la démocratie mauritaniennes…
Dalay Lam
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Encadré
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La communication du RFD réagit
Voici ce qu’a déclaré le directeur de la Communication du RFD, monsieur Baba ould Brahim, au Calame : « Le siège central du parti n'a pas été fermé devant le président Ahmed ould Daddah […] un tel comportement serait inimaginable de la part d’une direction qui voue un immense respect à son président, symbole de sa lutte politique. » Baba ould Brahim explique qu’il ne s’agit que d’un manque de communication : « le président avait décidé de se rendre au siège un jour du week-end, sans en aviser l'administration du parti […] aussi a-t-il trouvé porte close quand il est arrivé. » Et le directeur de la Com d’ajouter : « certaines personnes ont délibérément pris des photos du Président devant la porte fermée et les ont publiées […] une tentative d’intoxication préméditée et largement diffusée sur les réseaux sociaux. » Quant à la prétendue réunion du Bureau exécutif du parti au siège du Ksar, Baba ould Brahim affirme que celle-ci « ne pouvait être une session du BE qui requiert une procédure de convocation et la présence d’un quorum déterminé par les statuts du parti… ce qui n'a pas eu lieu. »