Le principal parti de la majorité présidentielle a organisé, il y a quelques jours, un colloque intitulé : « quel modèle économique pour accélérer le développement de la Mauritanie ? ». Cette rencontre entre des leaders politiques, experts et chercheurs fut l’occasion de débattre des meilleurs moyens de surmonter les défis auxquels fait face l’économie nationale et de profiter des perspectives prometteuses de son développement, en énonçant les mécanismes les plus adaptés pour asseoir les bases d’un modèle susceptible d’accélérer le développement économique du pays.
Le premier mandat du président Ghazwani aura été placé sous le signe de la normalisation des rapports entre les acteurs politiques de la majorité et de l'opposition, d'une part, et de la lutte contre la pauvreté, d'autre part. Les rapports entre les acteurs de l'opposition et l’ex-Président étaient en effet très peu cordiaux, parfois tendus, celui-ci traitait avec mépris plusieurs leaders de celle-là. L'atmosphère politique en fut polluée durant ses dix ans de règne. Pour décrisper cette ambiance préjudiciable à la paix et à la quiétude, le nouveau Président tendit la main à l'opposition et reçut plusieurs de ses chefs de partis. Même si elle ne fut pas inclusive, cette main tendue fut considérée comme un geste d'ouverture. La COVID fut l’occasion de la renforcer avec la fondation de la Coordination des partis politiques représentés au Parlement (RFD, UFP et autres) qui prônèrent l'apaisement et la solidarité dans la lutte contre la pandémie, ainsi qu’un dialogue national dont le processus fut cependant stoppé net, faute de consensus au sein de l'opposition.
Connaissant bien le pays, Ould Ghazwani tenta de répondre à une autre demande sociale et politique : la lutte contre la gabegie. Sous son prédécesseur, les Mauritaniens dénonçaient ouvertement – parfois sous les pans de leur boubou – la corruption à ciel ouvert. On en parlait partout. Le combat se mit en branle. Tirant les enseignements de sa campagne électorale et de son compagnonnage de quarante ans avec Ould Abel Aziz, le nouveau Président donna l’impression de frapper fort avec la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la décennie de son ex-alter ego. Une décision fort appréciée par l'opinion mauritanienne préoccupée par l'ampleur que prenait cette gangrène. Les signes ostentatoires d’enrichissement pouvant être suspectée d’illicite étaient visibles dans tout le pays, particulièrement à Nouakchott. Mais, rapports de l'Inspection générale de l'État succédant à ceux de la Cour des Comptes, rien ne changea vraiment. Le nouveau pouvoir de Ghazwani marqua sérieusement le coup.
Nouveau cap
Après avoir « normalisé » les rapports avec certains présidents de partis de l'opposition et tenté, encore en vain à ce jour, d'éradiquer la corruption, le président de la République s’est, semble-t-il, engagé dans un nouveau créneau : le développement économique du pays. L’INSAF en a fait un nouvel thème de campagne en organisant le colloque susdit. L’actualité s’y prête. Outre ses richesses déjà exploitées – poissons, fer, or et cuivre – la Mauritanie se prépare en effet à gérer ses ressources en pétrole, gaz, uranium et phosphates. Un capital qui pourrait lui rapporter d'importants revenus et lui permettre ainsi de sortir son peuple de la pauvreté, autre projet-phare, comme dit plus haut, du premier quinquennat de Ghazwani. À condition, bien évidemment, de l’administrer proprement. Ce qui fut loin d’être le cas pour son précédent trésor : « Nous n’avons jamais reniflé la mauvaise odeur du poisson », ne cessent de dire les Mauritaniens, « comment pourrions-nous percevoir les effluves de ce qui n’en a aucune ? ». Aussi restent-ils sceptiques quant aux montants mirobolants qu’on leur balance au visage quand on leur parle de pétrole et de gaz….
Le prochain quinquennat de l’actuel Président sera en tout cas placé sous le signe de l’économie. Passera-t-on de Taahoudy – « Mes engagements » – une période de réalisations d’infrastructures, à celle de la croissance ? Les apports du pétrole et du gaz devraient la booster et lancer dans la foulée le développement tant attendu. En toute bonne gouvernance et transparence inclusive, on l’espère donc. Durant que le colloque susdit, les participants ont débattu en ce sens de nombreux points : globalisation, intégration régionale, digitalisation, dividende démographique, infrastructures, mobilisation des financements et, en ce qui concerne la gouvernance, la décentralisation, la redevabilité, le contrôle citoyen, la diffusion et l’accès à l’information, la supervision bancaire, la régulation des services, l’accès à la commande publique, la lutte contre la corruption et contre le monopole. Dans son mot d’ouverture, le président de l’INSAF, Mélaïne Eyih, a indiqué que la rencontre entrait dans le cadre d’un plan d’action adoptée par le parti au cours de son congrès tenu le 4 Juillet 2022. Ce programme vise à en améliorer et moderniser les moyens et les méthodes pour les rendre plus dynamiques, plus innovants et plus ouverts sur son environnement. Toute une série d’activités relatives à la diplomatie, la sécurité et la protection sociale ont été annoncées à l’issue du colloque.
Dalay Lam