Autrefois, pour faire endormir les enfants, les mamans – ou les servantes, puisqu’elles existaient encore – leur faisaient croire à l’existence de l’être à vingt ongles. Et pour les assagir, les papas leur faisaient miroiter la promesse de « zveïtri lahmar » : littéralement, le mensonge rouge. Un peu comme l’histoire de l’éléphant blanc, chez d’autres. D’ailleurs, la rougeur est très présente, dans la culture nationale. L’œil de l’acheteur toujours rouge. Le grand mensonge, toujours rouge. La balle assassine, toujours rouge. La fermeté s’exprime via un œil toujours rouge. « Rougis en lui ton œil », dit-on pour conseiller de menacer un autre. Certainement que si les militaires n’avaient pas rougi l’œil dans les fonctionnaires, depuis leur dernier coup d’Etat, le pays serait, aujourd’hui, sur le carreau. Il y a aussi « chekwa el hamra », pour faire « passer » le lait de chamelle et le rendre terriblement agréable. Ah, j’allais oublier l’essentiel ! « Marou lahmar », le riz rouge, par opposition au riz blanc, généralement sans goût ni saveur. Un voleur rouge ne laisse pas ce qui est dans l’œil. Ni ce qui est dans les coffres. Ni ce qui est dans les magasins. Ni ce qui est dans les casernes. Sont capables de braver les armes, les balles rouges et les yeux rougis. Le mensonge rouge est indécelable. Son auteur s’en fout des couleurs. Le vol rouge est irrécupérable. Son auteur est indéboulonnable. Dès qu’il pend quelque chose avec sa main, y a plus qu’à retourner à Allah. Il va y lécher un bariolé ou tacheté. Le menteur rouge n’a pas de mâchoires. Elles sont, au cas où elles existeraient, en caoutchouc. C'est-à-dire démontables. C’est facile de mentir. Comme cette histoire de l’homme qui pique les enfants avec des produits infectés. Ou cet autre venu d’Aïoun qui serait atteint d’Ebola. Deux mensonges rouges, selon les autorités. Qui, soit dit en passant, ne disent pas que la vérité. Et ne sont pas très vigilantes, face aux menteurs nationaux et internationaux. Pour les nationaux, on va laver le linge sale en famille. Un menteur international ? C’est un professionnel du mensonge rouge. Juste après le coup d’Etat devenu Rectification puis redevenu coup d’Etat du 6 Juin 2008, un super-menteur écarlate est venu se présenter, aux putschistes, comme une éminente personnalité de la société civile africaine. Ce menteur tombait du ciel, pour les assassins de la Constitution de l’époque qui l’ont donc entouré de tous les soins : audience présidentielle. Protocole. Honneur et autre argent. Œil blanc qui s’avéra n’être qu’un petit truand recherché par la justice. Il y a dix jours, un prétendu sénateur américain est venu en Mauritanie. Sur couverture médiatique. Intenses rencontres. Audience présidentielle. Boubou Ezbi jamais mis sur son corps. Succulent méchoui jamais mis entre ses dents. Joyeuses rencontres inespérées. Le fameux membre du Congrès américain ne serait qu’un simple conseiller municipal de la mairie de New York ! Juste un menteur rouge venu de très loin. Quant au mensonge rouge national, là, c’est un torrent. Ses spécialistes mentent à tout le monde, y compris au chef général du pays. Le bourrage (des urnes ou des personnes), c’est tout comme le mensonge. Quand un ministre se permet de manipuler des chiffres et des indicateurs économiques, pour faire croire des faussetés au chef général, c’est mensonge ou pas mensonge ? Moi, je vous demande. Quand des médecins débitent leurs cours d’histologie ou de chirurgie dentaire, pour justifier l’onéreux achat de quelques vieilles machines amorties sous d’autres cieux, c’est mensonge ou pas mensonge ? Quand, au dernier Conseil des ministres, on procède à quatre-vingt-deux nominations à des postes de hautes responsabilités sur la base de références douteuses ou inexistantes, c’est mensonge ou pas mensonge ? Savez-vous ce que contient la boîte de Pandore dans l’ancienne mythologie ? C’est l’espérance. Puisse Allah que le dialogue attendu l’incarne ! Adieu, mensonge rouge. Vol rouge. Désert rouge. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».