En réponse à la question suivante posée sur un site Internet : « si Jésus était juif, pourquoi les chrétiens ne sont-ils pas considérés comme étant juifs ? » ; un bloggeur a répondu ce qui suit : « Il y a confusion dans la question entre "peuple juif" et "religion juive". […] être juif, c'est appartenir au "peuple juif" et pas forcément être de "religion juive". Il y a des juifs athées et ce n'est pas contradictoire. […] »
La confusion n'est évidemment pas là. Elle se situe plutôt dans les manipulations des mots "juif" et "judaïsme" à l'instar de ceux de "sémite" et "sémitisme". Commençons donc par entendre correctement ces derniers. Sémitisme signifie : 1. Ensemble des caractères propres aux Sémites, à leurs civilisations. 2. Idiotisme propre aux langues sémitiques. Sémite désigne pour sa part, une « personne appartenant à un ensemble ethnique originaire d'Asie occidentale regroupant divers peuples : Akkadiens, Arabes, Araméens, Hébreux, Phéniciens… ; traditionnellement reconnus en tant que descendants de Sem, un des trois fils de Noé (PBL) ».
Juif et judaïsme renvoient, quant à eux, à « Juda » (Yehoudah, en hébreu) qui désigne le quatrième fils du prophète Jacob-Israël (PBL), ainsi que la tribu qui descend de celui-là et le royaume appelé plus tard « Judée » par les Romains. Mais les termes juif et judaïsme ont, depuis plus de deux millénaires, inclus des gens originaires d'autres ethnies – notamment africaines, asiatiques et indo-européennes –converties à la religion de Moïse (PBL) issu de la tribu de Lévi, frère de Juda. Il est donc très probable que le mot juif n'a pas plus de connotation ethnique spécifique que le mot « musulman » avec le mot « arabe ».
C'est pour les besoins du sionisme politique – politique car il existe un sionisme spirituel à mille milles d'une quelconque prétention territoriale… – que les maîtres contemporains de la communication ont soigneusement réservé le terme sémite aux seuls juifs (cf. le sens donné à l'antisémitisme…) et enfermé les légitimes revendications arabes sous l'appellation « islamisme » (cf. l'islamophobie…). On en a la preuve aussi cruelle qu’éclatante à Gaza où, massacrée, la résistance populaire se voit assimilée à du terrorisme, avec la bénédiction des autoproclamés champions occidentaux des droits de l’Homme. Et le pire, peut-être, est que nous tombions, musulmans saignant du sang de nos frères, dans le piège de ces amalgames… Mais qui sont, au fait, les maîtres contemporains de la communication ? Quels sordides desseins se cachent sous leurs manipulations des espaces et des mots ? Que ceux qui sont doués d'intelligence entendent (1) !
Tawfiq Mansour
(1) : Quant à ceux plus sensibles aux images, voyez le film d’Alexandre Arcady : « Le petit blond de la casbah » (2023), une toute simple et lumineuse histoire de juifs attachés à leur patrie algérienne…