La présidente de la Commission européenne, madame Ursula von der Leyen, a annoncé, jeudi dernier, un soutien financier de 210 millions d'euros en faveur de la Mauritanie, « pour la gestion des migrations, l'aide humanitaire et les opportunités pour votre jeunesse ». L’accord signé avec l’État doit officiellement développer les relations économiques. « La Mauritanie », a souligné la présidente, « accueille de nombreux réfugiés fuyant les violences dans la région. Vos actions méritent des éloges. Nous les soutenons avec ce paquet de 210 millions ».
Et de poursuivre : « la situation au Sahel est très précaire et la Mauritanie joue un rôle primordial pour la stabilité dans la région. C'est pourquoi augmentons-nous également notre soutien pour la sécurité de 22 millions d'euros supplémentaires, ce qui fait 40 millions d'euros en tout pour cette année. Cela va notamment financer l'équipement d'un nouveau bataillon mauritanien pour lutter contre le terrorisme et sécuriser la frontière orientale avec le Mali. » Puis, revenant sur la gestion des migrations, « l'insécurité et le manque d'opportunités économique dans la région poussent beaucoup de gens à émigrer. Cela les amène souvent en premier lieu en Mauritanie […] » ; avant de conclure en affirmant que « l'Union européenne et la Mauritanie doivent augmenter leur coopération en matière de lutte contre la migration illégale », et d’annoncer, au final, l'élaboration prochaine d'une feuille de route entre les deux parties.
C’est en fait pour bloquer les migrants que Nouakchott va recevoir de l’argent européen. Officiellement, c’est un accord sur les relations économiques entre la Mauritanie et l’Union européenne. Mais le déplacement conjoint de la présidente de la Commission européenne, du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, et de Hans Leitjens, le directeur de Frontex, l’agence de contrôle des frontières européennes, dit tout autre chose. C’est bien un accord migratoire que les Européens sont allés chercher à Nouakchott.
Un des pays du Sahel les plus stables dans cette région gangrenée par les attaques djihadistes, la Mauritanie avait déjà signé avec l’Espagne un accord bilatéral (2003) de rapatriement des clandestins. Accueillant actuellement 150 000 réfugiés ayant fui l’insécurité au Mali, ce pays est devenu un pays de transit pour rejoindre l’Europe. « La Mauritanie est, elle aussi, un pays de transit qui connaît une augmentation des départs de migrants depuis sa côte vers l’Espagne », explique Camille Le Coz, directrice associée au centre de recherche Migration policy institute et membre du réseau Désinfox migrants.
Dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière, le président Ghazwani a de son côté réaffirmé « l’engagement de la Mauritanie à jouer pleinement son rôle […] Elle paie un lourd tribut », a-t-il souligné, « autant à la prise en charge des flux migratoires induits par la situation sécuritaire aussi délicate que sensible dans la région, qu’à la lutte contre l’immigration irrégulière où nous nous sommes résolument engagés, en partenariat avec le royaume d’Espagne et l’UE. Souvent considérée comme un pays de transit, la Mauritanie est en train de devenir un pays de destination ».
Plus de 80 % des migrants qui arrivent aux îles Canaries, transitent par la Mauritanie, rappelle le gouvernement espagnol. « Nous assistons à la chute des gouvernements démocratiques, à une augmentation des attaques terroristes, à une hausse des réfugiés et des personnes déplacées et à l'aggravation d'une crise de sécurité alimentaire déjà aiguë », a déclaré Pedro Sanchez. Et l’agence européenne Frontex de s’inquiéter pour sa part de ce que « le nombre de migrants traversant la Méditerranée occidentale a plus que doublé en 2023, par rapport à l’année précédente ». L’Union européenne va donc payer la Mauritanie pour garder les migrants…