La semaine dernière, l’Assemblée nationale a adopté trois projets de loi relatifs à la liberté de la presse, le statut du journaliste professionnel et la presse audiovisuelle. Ce sont surtout les deux derniers qui attirent l’attention. La question du statut du journaliste professionnel était depuis longtemps posée et l’État paraissait réticent à lui apporter une réponse claire. Il y a quelques années en effet, une commission chargée de délivrer les cartes de presse aux journalistes professionnels – c’est-à-dire ceux qui disposent d’une formation et d’une expérience avérée dans le domaine – fut dissoute, parce que les critères sélectifs qu’elle étudiait allaient éliminer beaucoup de monde. Elle n’a toujours pas été remise sur pied, malgré nos appels répétés pour qu’on sache qui est journaliste et qui ne l’est pas. Les journalistes professionnels se comptent sur le bout des doigts et sont concurrencés par des milliers de peshmergas qui déshonorent la profession. Et l’on était enclin à penser que la situation n’était pas prête à évoluer, tant importants sont les montants qu’allouent les services de l’État à ces pisse-copies juste sensibles au plus offrant.
Mais voici qu’un projet de loi a été adopté à ce propos en Conseil des ministres le 27 Décembre 2023 et l’on a quelques informations sur son contenu. Ce plan aurait établi, d’une part, un cadre juridique pour le statut du journaliste, en y intégrant l’ensemble des catégories professionnelles, comme les journalistes indépendants, les correspondants accrédités, les collaborateurs de rédaction et les techniciens impliqués dans la production de l’information ; et, d’autre part, des normes claires pour l’exercice de la profession, en garantissant la liberté d’information et en assurant la protection des droits de ces journalistes. On attend, pour juger de la portée de ces dispositions, la publication du Journal officiel rapportant le texte exact de la loi votée par les députés et, surtout, les décrets d’application qui l’insèreront dans la réalité du terrain.
Deuxième problème et non des moindres : l’aide à la presse. Géré par la HAPA depuis sa fondation, le fonds consacré àcette fin est devenu un fourre-tout où tout le monde trouve très inégalement sa part. Les journaux les plus anciens et les plus crédibles, comme Le Calame ou l’Éveil Hebdo qui combattent depuis des années pour fournir au public des informations pertinentes, libres et indépendantes, n’y ont droit qu’à des montants dérisoires. Cette situation met en jeu la troisième loi votée dernièrement à propos de la presse audiovisuelle et les aides que celle-ci reçoit de la HAPA. Á ce jour, les télévisions privées appartenant à des riches hommes d’affaires s’y arrogent la part du lion, alors qu’elles sont manifestement devenues des annexes de la Radio Mauritanie. Mais on annonce que le fonds d’aide à la presse sera géré directement par le ministère à partir de cette année. Espérons que des critères plus sérieux que ceux qui ont prévalu jusqu’à présent permettront à la presse-papier consciencieuse d’être correctement subventionnée, à l’instar de ce qui se passe au Sénégal ou au Maroc où l’État la soutient toujours activement…
Ahmed ould Cheikh