2/ La retraite des généraux pas comme les autres:
Un ambassadeur à la retraite, ancien ministre de surcroit, m'a raconté une anecdote qui sied très bien à ce que peut-être la vision du mauritanien actuel, pris entre l'étau dévastateur du profit que peuvent engendrer les résidus du capitalisme sauvage chez nous et l'obligation de soumission aux préceptes éthiques de notre sainte religion. Toujours est-il que c'est le pouvoir de l'argent qui prend le dessus souvent sur les bienfaits de notre tolérante culture millénaire, sur nos us et coutumes patiemment tricotés des siècles durant.....Et ce que m'a raconté l'ambassadeur est asymptomatique de la dégradation morale de notre tissu sociétal....
Voilà, il y a quelques années, un banquier de la place a lié une amitié, a postériori de circonstances avec un ministre issu de la vallée du fleuve. Notre banquier venait tous les jours déjeuner avec le ministre à sa descente entre midi et 16 heures. Un jour, le premier ministre d'antan convoque notre ministre pour lui signifier qu'il est remercié, autrement, il ne fera plus partie de la nouvelle équipe gouvernementale. Le communiqué sera diffusé au journal parlé de l'après-midi sur Radio-Mauritanie. Le ministre est descendu plus tôt que prévu et trouva comme d'habitude son "ami" banquier maure, qui n'était pas au courant de la nouvelle. Le ministre demanda un "transistor" à son épouse et capta Radio-Mauritanie, au même moment où le déjeuner est servi. Après deux tartines et les "chthari", la radio diffuse le communiqué du conseil des ministres. Le banquier regarde son "ami" ministre sortant et ce dernier lui dit: " je ne suis plus membre du gouvernement". Sans gêne notre banquier se leva, prit le "maghcel" lui-même, se lava les mains, mit ses chaussures dans ses pieds et s'excusa en sortant. Comme s'il voulait dire: "qu'est-ce que je fais chez un kowri dont il n’y a plus rien à tirer" ? Cette histoire qui est un fait réel, dénote du comportement du mauritanien en général, depuis que l'argent a remplacé les valeurs de magnanimité, de probité et d'éthique. En effet lors d'une nomination d'un responsable, on se bouscule pour le féliciter et après son limogeage, les gens se font rares chez lui.
Cependant en décembre passé, l'exception à la règle s'est confirmée au départ de plusieurs généraux à la retraite. Ce qui devrait être un repos, après une mission accomplie, s'est transformé en une espèce de "ziyara" comme chez les Mourides de Touba. Alors comment expliquer un tel engouement principalement au domicile du général de division, ancien Directeur de la Sûreté, Mesgharou Ould Sidi Ould Ghweizy?
3/ Même le premier ministre:
Ceux qui ont rendu visite au général Mesgharou après sa mise à la retraite, l'ont fait de leur propre chef. Je suppose également qu'aucun citoyen n'a été mis sous pression et que Mesgharou n'a aucun dossier compromettant contre ces nombreux visiteurs. Même la visite du premier ministre ne doit revêtir que le manteau innocent de deux fonctionnaires (Mesgharou et Ould Bilal) de l'Etat qui ont travaillé pour le même pouvoir et qui s'apprécient. Les autres généraux retraités pouvaient bien eux aussi ouvrir leurs portes aux visiteurs, aux curieux, aux badauds, aux griots etc...Mais dans la vie, chaque individu a son caractère et les dividendes de celui-ci. Il y a des gens discrets, calmes, agoraphobes. Et il y en a comme Mesgharou qui sont mondains, aimant le rire, le contact, bref la joie de vivre, le tout sous une carapace responsable et digne. Sincèrement ce général est brillant et là où il passe, il ne laisse pas indifférent. Depuis le grade de sous-lieutenant, on a tout fait pour le "chasser" de la Garde Nationale, mais son destin était de continuer jusqu'à un échelon supérieur. Mesgharou est fidèle en amitié et je suis persuadé qu'en Mauritanie en général, à Aîoun (sa ville natale) en particulier, le président Ghazwani qui doit et qui peut briguer un second mandat cette année, sollicitera le concours de son ami lors de l'élection présidentielle.
4/ Une pléthore de généraux de brigade,...à quand le corps d'Armée et le général d'Armée?
L'Armée américaine, première puissance militaire mondiale ne compte que 62 lieutenants-généraux (division) et 16 généraux 5 étoiles environ. Le récent tandem du chef suprême des Forces Armées et de Sécurité, le président Mohamed Ould Cheikh Ghazwani, et le CEMGA, le général de division Moktar Bollé Chaabane, suppose qu'ils ont pris note de la banalisation du grade de général dans notre Armée. Et effet pour une Armée de moins de quarante mille hommes, le nombre de généraux doit être limité. Mieux vaut la qualité que la quantité. Et surtout la fonction de général est très souvent politique. Elle est militaire si elle se limite à l'échelon tactique du général de brigade, qui peut exercer sur les différents théâtres d'opérations de par le monde. A partir du grade de général de division, qui est une élévation d'honneur et de dignité, on rentre dans le domaine stratégique. Le divisionnaire donne naissance lui aussi à deux autres grades: le général de corps d'Armée et le général d'Armée.
Il y a quelques jours et à l'instar de plusieurs nations, la Mauritanie a décidé de ne plus soumettre l'avancement des généraux au seul critère de figuration au tableau d'avancement des officiers (de sous-lieutenant à général). Bonne initiative, mais cette loi, à mon humble avis, est malheureusement inachevée. Je me demande même si cette omission est-elle volontaire ou une simple erreur de "casting", je veux dire fortuite? A-t-on bien expliqué au chef suprême des Armées la trame de cette nouvelle loi? Si cette loi dit que la nomination des généraux passera désormais par décret au conseil des ministres, elle ne parle que de généraux de brigade et de division. Faut-il attendre une autre génération pour établir les grades de général de corps d'Armée et de général d'Armée? On a vite oublié que la Mauritanie a une grande Armée dans la sous-région que les grades de général de corps d'Armée et de général d'Armée devraient être désormais d'actualité à l'instar des pays qui nous entourent. Nous avons des généraux aux cursus normaux capables de diriger une Armée. Il est inutile de rappeler que la nomination d'un chef d'Etat-Major Général et son adjoint est une décision éminemment politique et relève du seul chef suprême des Forces Armées et de Sécurité, souvent sur proposition du ministre de la défense. Enfin avoir un CEMGA comme général de corps d'Armée ou général d'Armée est un pacte de confiance émanant du président de la République et permet au chef d'Etat-Major Général d'avoir un ascendant psychologique sur les grands subordonnés, et surtout de traiter d'égal à égal avec ses différent collègues de la sous-région. J'ai tenu ce discours il y a deux ans et je le maintiens encore. /.
Ely Ould Krombelé, France