Á l’heure où les Mauritaniens s’interrogent sur l’état de santé de l’opposant historique Ahmed oud Daddah, président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) – évacué, il y a une semaine, à l’hôpital américain de Paris, il vient d’en ressortir le vendredi dernier – son parti étale de sérieuses divergences. La controverse tourne autour de l’intérim du président AOD. Selon les uns, celui-ci a confié celui-là au vice-président maître Yacoub Diallo, «conformément aux règlements et à l’usage ». Mais selon d’autres membres de la commission politique, cette décision serait « illégale ». Une première dans les annales de ce parti de l’opposition traditionnelle, signataire, il faut le rappeler, du « Pacte républicain » avec l’INSAF, principal parti de la majorité présidentielle.
Pour les « contestataires » de la décision d’Ahmed ould Daddah, c’est à la commission politique de gérer les affaires courantes du parti. Et de rappeler à cet effet qu’au terme de sa réunion tenue le 6 Janvier pour évaluer les activités des instances de celui-ci et en perspective de l’ouverture des ateliers du Pacte républicain censé, disent-ils, « régler les problèmes du pays », le Bureau exécutif du parti a élu à l'unanimité ladite commission politique, en lui délégant des compétences élargies, notamment en ce qui concerne les affaires politiques, la redynamisation des structures du parti, la préparation du prochain congrès, compétences qui lui confèrent, en l'absence du Président, la gestion exclusive des affaires courantes du parti ».
Il n’en fallait pas plus que pour que d’autres membres de ladite commission apportent une mise au point publiée le 8 Janvier. Dans cette réplique, ils précisent qu’il s’agit d’une commission ad hoc et contestent une décision qui vise à « mettre en quarantaine le président du parti Ahmed ould Daddah ». Et de préciser que la commission désignée par le Bureau Exécutif du parti, sous la supervision directe du Président du Parti, n’a que « des pouvoirs limités qui consistent exclusivement à communiquer avec les instances de base, afin de leur expliquer la position du parti concernant la signature du Pacte Républicain et leur démontrer l’importance des réformes fondamentales attendues dans le cadre de cet accord politique, d’une part, et discuter d’autre part avec elles de la préparation du congrès national du parti. »
Le RFD dont le chef emblématique est habitué à des vagues de contestations depuis l’UFD, UFD/Ère Nouvelle. Cette secousse ne risque-t-elle pas de l’affaiblir encore, après les résultats catastrophiques des élections municipales, régionales et législatives de Mai 2023 ? La question mérite d’être posée car certains de ses cadres qui galéraient depuis des décennies pourraient succomber aux sirènes du pouvoir. D'autres penseraient à la succession. Le RFD et son président avaient beaucoup souffert de l’arrogance et du mépris que leur avait infligés Mohamed Ould Abdel Aziz, sans parvenir à faire plier Ahmed ould Daddah. Mais le RFD et son président ne sont-ils pas en train de payer leur grande proximité avec le président Ghazwani ? Après la déroute de Mai 2023, la signature du Pacte républicain, à quelques mois de la prochaine présidentielle, ne risque-t-il pas de sonner le glas du parti ? Certains ne se prépareraient-ils pas à rejoindre l’INSAF et à soutenir le très probable candidat Ghazwani ? Le retour d’Ahmed dont l’état de santé serait « très satisfaisant et rassurant » devrait apporter des réponses à ces nombreuses questions. Mais il semble bien que sa succession soit désormais ouverte… et l’implosion du RFD un risque à court terme.
Dalay Lam
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Encadré 1
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Communiqué de la commission politique du RFD
La commission politique du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) s'est réunie aujourd'hui 6 Janvier 2024 au siège du parti, sous la présidence de madame Nana mint Cheikhna Mohamed Laghdaf. La réunion a passé en revue et analysé de manière approfondie l'évolution de la situation générale et particulièrement l'état de santé du président du parti et les évènements qui s'en sont suivis ainsi que l'imminence de la tenue des ateliers de la Charte républicaine. Enfin, les membres de la commission ont procédé à l'évaluation des activités menées par la commission au cours de la période écoulée au niveau de toutes les sections et fédérations de Nouakchott. De même un échange a d'ores et déjà été entamé relativement aux activités à venir entrant dans le cadre de la redynamisation des structures du parti.
Suite à ce débat, la commission rassure l'ensemble des militants du parti et au-delà de ceux-ci, l'ensemble du peuple mauritanien, à propos de l'état de santé du président Ahmed ould Daddah, état de santé qui s'améliore par la grâce d'Allah, et les exhorte à continuer leurs prières pour son prompt et complet rétablissement, son retour dans les plus brefs délais. Elle confirme l'attachement du parti à la Charte républicaine, souhaitant vivement que les prochains ateliers aboutissent à des conclusions en mesure de résoudre les problèmes des citoyens et ceux demeurés en instance. La commission rappelle à l'ensemble des dirigeants et militants du parti ainsi qu'à tous ses militants et tous ses partenaires politiques que le Bureau exécutif du parti a élu à l'unanimité, au cours de sa dernière session, la présente commission politique à laquelle il a délégué des compétences élargies, notamment les questions se rapportant aux affaires politiques, la redynamisation des structures du parti, la préparation du prochain congrès, compétences qui lui conférent en l'absence du Président la gestion exclusive des affaires courantes du parti. La commission exhorte l'ensemble des dirigeants et militants à serrer les rangs et redoubler d'efforts pour la réussite de sa mission qui a déjà entrepris un travail de terrain fructueux au niveau de l'ensemble des fédérations et sections du parti et ce à travers des rassemblements de militants dans toutes les mouqata’as de Nouakchott. Cependant les meetings centraux qui avaient été programmés en concertation avec les structures du Parti à Nouakchott et Nouadhibou ont été reportés par la commission en raison de l'état de santé du Président. Enfin la commission dénonce avec la plus grande énergie l'exploitation de l'état de santé du Président, exploitation moralement condamnable et contraire à toute forme de bienséance, et attire l'attention sur le fait que la délégation de pouvoir ainsi obtenue est nulle et non avenue en ce qu'elle contrevient aux dispositions du statut du parti en son article 25 et à l'article 58 du règlement intérieur.
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Encadré 2
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Mise au point concernant la « déclaration » de la commission politique du RFD
Nous, soussignés, membres de la commission politique du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), exprimons à l'opinion publique nationale notre étonnement face à une « déclaration » publiée par certains media nationaux au nom de notre commission politique, une déclaration truffée de contre-vérités et de falsification des faits. Qualifiant d’« illégale » la décision du président Ahmed Daddah de confier l’intérim de la présidence du parti à maître Yacoub Diallo, cette « déclaration » constitue, en fait, un mépris persistant à l’égard de l’opinion publique et un affront à l’intelligence des militants du parti. Face à ce flagrant défi aux décisions de la Présidence du Parti et au dépassement des prérogatives de la commission, nous, membres signataires, rappelons qu’il s’agit d’une commission ad hoc désignée par le Bureau exécutif du parti, sous la supervision directe du Président, avec des pouvoirs limités qui consistent exclusivement à communiquer avec les instances de base afin de leur expliquer la position du parti concernant la signature du Pacte républicain et leur démontrer l’importance des réformes fondamentales attendues dans le cadre de cet accord politique, d’une part, et discuter avec elles de la préparation du congrès national du parti, d’autre part.
Nous considérons que la commission réunie samedi dernier n’était nullement en mesure d’approuver un quelconque ordre du jour, faute de quorum, en raison de l'absence de la plupart des membres, y compris son vice-président et ses deux rapporteurs qui représentent les 3/4 des membres du bureau de la commission ; par conséquent, nous considérons que ladite « déclaration » est nulle et non avenue, car elle viole le règlement intérieur de la commission et outrepasse ses compétences. Nous désapprouvons la tentative de certains membres de la commission de mettre en quarantaine le président Ahmed Ould Daddah, en le privant de l'exercice de ses pleins pouvoirs, notamment leur délégation partielle ou totale à la personne de son choix, comme il l’a toujours fait lors de ses voyages ou en sa présence. Nous exprimons notre dégoût face à l'état de déchéance morale qui a fait surface récemment, à travers les paroles et les actes de certains cadres du parti, coïncidant avec l’état de santé du président du parti, dans une tentative de marquer des « points » d'une manière non honorable. Nous appelons le président Yacoub Diallo à convoquer la commission politique afin de réparer les dommages qui pourraient résulter de la déclaration discordante de samedi dernier, faite hors de son contexte par certains membres, et de rappeler aux auteurs de ladite déclaration l’exigence du respect des décisions du parti et des prérogatives de la commission. Nouakchott, le 26 Joumada Athaniya 1445 - 08 Janvier 2024. Pour les membres signataires, Diabira Fousseynou, vice-président de la Commission politique du RFD.