Nouadhibou : Une cité cosmopolite

18 January, 2024 - 00:23

Située à quelques 470 kilomètres de la capitale, Nouadhibou est incontestablement la cité la plus importante du Nord. Il y a plusieurs décennies, ce n’était juste qu’un petit port de l’attirante Baie du Lévrier où ne vivaient que quelques milliers d’habitants cosmopolites, essentiellement des occidentaux, une population venue des quatre coins du pays et une poignée d’hommes d’affaires opérant principalement dans le secteur halieutique. C’était au temps où l’océan était encore très généreux et où la paisible ville ne comptait encore que deux ou trois quartiers dont l’inénarrable Cansado où habitaient essentiellement les employés de la MIFERMA (Mines de fer de Mauritanie) devenue la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) après sa nationalisation, profitant de la douceur d’un climat extrêmement agréable et d’un environnement particulièrement calme. Aujourd’hui, ceux qui ont connu Nouadhibou ne la reconnaissent plus, avec ses centaines de milliers d’habitants disséminés dans ses nouveaux quartiers, allant de la SOCOGIM en passant par les « six robinets » et en continuant vers Tarhil et autres Moutevejiratt ou Salatt (littéralement ponts). Charka, un des  quartiers les plus emblématiques avec ses rues tortueuses, incarne une certaine épopée, du temps où la petite cité s’appelait encore Port-Etienne et était le fief de prédilection de beaucoup de Canariens. Sur ses grandes avenues dont le célèbre Boulevard Médian, les épiceries, les étals de fruits, les papeteries, les agences bancaires, les points de vente des cartes de recharge de tous les opérateurs mobiles, les établissements de prestations de service de tous ordres narguent les passants. Les populations renvoient au visiteur une certaine Mauritanie en miniature, voire une Afrique subsaharienne dont les ressortissants sénégalais, nigériens, burkinabés, maliens, togolais, ghanéens, nigérians et autres béninois, ivoiriens, congolais guettent l’occasion d’une providentielle incursion aux Canaries. En attendant, ils peuvent s’adonner tranquillement à de petits métiers (coiffeurs, cireurs de chaussures, veilleurs de nuit, ouvriers, domestiques, chauffeurs de tacots…) afin de collecter le petit fonds qu’une bande de passeurs souvent malhonnêtes leur réclame pour les conduire, à leurs risques et périls, à bord de quelques pataras (pirogues de la mort) d’infortune vers l’Eldorado qui n’existe généralement que dans leurs têtes.

 

Beaucoup de réalisations
Incontestablement, la mairie de Nouadhibou est une des plus importantes du pays. Aux affaires depuis plusieurs années, son édile nourrit beaucoup d’ambitions pour sa belle cité au profit de laquelle il ne se ménage pas. Entre un local loué à ses tout débuts et un imposant siège servant d’hôtel municipal, beaucoup de choses ont changé. En se promenant dans l’enceinte de la mairie, la propreté et l’organisation des locaux renseignent sur cette volonté visiblement manifeste d’accomplir une révolution infrastructurelle dans la ville. Dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement préscolaire, trente-quatre écoles primaires ont été réhabilitées, assorties d’un bureau pour le directeur, d’un logement pour le gardien, d’une réserve d’eau et d’une clôture autour de chaque établissement : équipements des jardins d’enfants en jouets et fournitures diverses, encadrement des monitrices et recrutement d’un personnel éducatif. Dans le domaine de la santé, plusieurs centres ont été réhabilités dont le centre municipal El Rhidwan et le centre numéro 3 de Bagdad où se trouve l’unité de lutte contre le diabète. Grace à ses partenariats, la commune a pu obtenir du matériel médical dont une ambulance équipée, deux citernes, du matériel d’éclairage solaire, des fournitures scolaires, des kits alimentaires… Dans le cadre de cette coopération, les ambassadeurs des États-Unis d’Amérique, de l’Algérie, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Chine et autres ont visité la mairie de Nouadhibou. Sur le plan social, les mosquées et mahadras ont été soutenues et leurs responsables accompagnés pour leur permettre de s’acquitter de leur exaltante mission dans les meilleures conditions. Certains groupes sociaux vulnérables – veuves, orphelins, enfants autistes, personnes à besoins spécifiques, diabétiques, insuffisants rénaux... – bénéficient régulièrement de l’assistance de la mairie qui leur a distribué près de cent millions MRO. Les cimetières de la ville ont été réorganisés avec l’octroi d’une ambulance équipée pour le transport des morts, le nettoyage régulier des lieux et le recrutement d’un gardien pour les surveiller et assurer leur accès à tout moment aux usagers. Dans le domaine de la jeunesse, des sports et de la culture, la mairie de Nouadhibou a aussi joué sa partition, en développant des programmes pour les jeunes (Coupe du maire, tournoi de basketball, soutien aux équipes participant aux tournois nationaux ou internationaux) et parrainage de journées culturelles, festivals et autres activités culturelles.

 

Franchement, la Zone franche…  
Lorsqu’en 2013 la Mauritanie décida de fonder une zone franche à Nouadhibou, certains stéphanois n’en voyaient pas vraiment la nécessité. La proximité de celle de Tanger, le déficit en infrastructures hôtelières, la faiblesse des connexions internet, le manque d’eau et les délestages intempestifs fréquents, entre autres défis, rendaient le projet aléatoire et peu viable. La preuve en est que les quelques investisseurs qui tentèrent « l’aventure » ont vite déchanté et plié bagage vers des destinations plus appropriées. Les objectifs traditionnels qu’engendre l’implantation d’une zone franche – opportunités d’emploi, industrialisation des secteurs comme la pêche et prospérité des populations vivant dans son aire… – sont loin d’avoir été atteints. Pourtant, l’État lui a quasiment affecté les prérogatives de plusieurs départements : mairie (gestion de la voirie, des marchés et de l’abattoir…), ministère des Finances (patentes collectées et non reversées au Trésor), ministère du Commerce. Selon des citoyens rencontrés au cours de notre visite, « les prix ont augmenté paradoxalement depuis la fondation de la zone franche, devenant même plus chers qu'à Nouakchott, bien que les marchandises soient normalement exonérées de dédouanement ». Dix ans après son lancement, la zone franche de Nouadhibou n’a donc pas véritablement démarré. Un projet de loi révisant les modalités de son fonctionnement et de ses charges existe. Une commission composée d’experts présidée par l’ancien ministre des finances Kane Ousmane a produit un excellent rapport sur cette question. Le président de la République s’est engagé à entreprendre une restructuration de la zone franche en s’appuyant sur les conclusions et recommandations de cette commission. Mais à ce jour, rien n’a été fait pour permettre à Nouadhibou de retrouver son lustre d’antan de ville économiquement très importante où se retrouvent des Mauritaniens venus des quatre coins du pays.           
El Bou ould Brahim
Envoyé spécial