Les Mauritaniens iront aux urnes en Juin prochain pour élire leur président. Il est fort probable qu’ils réélisent pour un second mandat l’actuel Mohamed Cheikh Ghazwani. L’homme répondrait, semble-t-il, aux aspirations des partis de la majorité présidentielle qui lui ont demandé de se présenter une nouvelle fois. Une machine électorale d’autant mieux huilée que le candidat du pouvoir ne devrait avoir aucun adversaire susceptible de lui faire de l’ombre. L’opposition est complétement divisée. Et, à quelques six mois de l’élection, celle-là se fait attendre, excepté le leader de l’IRA, le député Biram Dah Abeïd, arrivé en seconde position en 2019. L’homme a indiqué depuis bien longtemps qu’il se présenterait en 2024 pour proposer une alternance démocratique à la tête du pays. Pari difficile dans la mesure où l’opposition ne le suivra pas dans sa totalité ; les mécanismes électoraux et l’appareil de l’État sont entre les mains du pouvoir en place. En Afrique, on n’organise pas des élections pour les perdre. Les mentalités de nos populations n’ont pas évolué, elles restent cramponnées à des considérations subjectives, loin du véritable jeu démocratique. Biram en sait quelque chose : il en est à sa troisième candidature.
Par ailleurs, quelques rumeurs distillent à nouveau la probable candidature d’un jeune avocat, maître El Id M’Bareck, député à l’Assemblée nationale. Son nom avait déjà circulé avec celui du professeur Outouma Soumaré, directeur du Centre hospitalier des Spécialités, à la veille de la présidentielle de 2019. Des candidatures qui auraient pu rassembler d’importants segments de l’opposition et surtout de la jeunesse. Á l’arrivée, elles n’avaient pas prospéré et l’opposition ne réussissait pas à se trouver une candidature unique et consensuelle. Son apparence d’unité s’est vite fracassée et, faute de pouvoir présenter un candidat ou de parvenir à une entente, les « grands partis traditionnels » finirent par se ranger derrière des personnalités dont certains se déclaraient « indépendantes ». Les querelles d’ego venaient de reparaître au grand jour. Un leitmotiv de l’opposition depuis le début des années 1990…
Une main tendue qui a coûté cher
Elle venait surtout de perdre l’occasion de préserver son unité de façade, quasiment préservée au long du magistère du président Ould Abdel Aziz, et ce fut comme une espèce de sauve-qui-peut. La voici qui peine depuis à retrouver un peu de cohésion et les quelques alliances nouées lors des élections locales de Mai 2023 n’y ont rien fait. D’autant moins que la volonté affichée de Ghazwani de « normaliser » les rapports entre la majorité et l’opposition et cette espèce de main tendue acceptée par divers partis de celle-ci leur ont coûté cher. Enfin, la signature, il y a peu, du Pacte républicain entre deux de ses membres, le RFD et l’UFP, avec le parti du pouvoir semble avoir donner un coup de grâce à l’opposition. Le dialogue qu’il prône est loin d’avoir fait l’unanimité en son sein.
Dans ces conditions comment notre opposition pourrait- elle aborder la prochaine présidentielle ? Elle risque fort d’en sortir plus laminée encore. Certains tenteront de relever le challenge avec des candidatures légitimes et probablement risquées, d’autres se rangeront derrière des candidatures suscitées et montées de toutes pièces pour « crédibiliser » le scrutin. Le pouvoir et ses limiers feront tout en ce sens, comme en 2019. Et au vu de des dernières élections locales, force est de douter de la transparence du scrutin. Dans tous les cas, le candidat du pouvoir ne se sent aucunement menacé, il n’y a pas feu en la demeure. Ses partisans ne ménageront aucun effort pour élire leur candidat au premier tour et l’opposition n’aura que ses yeux pour pleurer. Le jeu démocratique sincère attendra Godot.
DL