La Société Nationale des Aménagements Agricoles et de Travaux (SNAAT) a été pointée du doigt dans le rapport général annuel de la Cour des comptes pour un ensemble de forfaits : non-apurement d’emprunt relatif au matériel agricole, absence de provision pour la créance sur la société ISKAN, chèques non comptabilisés, non-production des engagements hors bilan avec les états financiers, piétinement de procédures. Des pratiques peu orthodoxes ont également prévalu au sein de la SNAAT : absence de concurrence pour certains achats, conclusion de contrats de location d’engins coûteux et sans concurrence, locations abusives de véhicules pour le siège. Pire, la SNAAT a recouru fréquemment au fractionnement des dépenses pour éviter la passation de marchés publics, en violation flagrante de la réglementation en vigueur.
Non-libération du capital
L’article 3 du décret N°037/2009/PM fondant la société prévoyait que le capital de la SNAAT fixé à 300.000.000 MRO serait libéré au plus tard le 31 Mars 2009. Or il a constaté qu’à la fin de la mission de la SNAAT, son capital n’avait toujours pas été libéré. La Cour des Comptes signale « que la non libération du capital de la SNAAT à ce jour constitue une irrégularité au regard des dispositions du décret de fondation de la Société et affecte négativement sa situation financière ».
Non-apurement d’emprunt relatif au matériel agricole
Le Gouvernement avait décidé en 2015 de capitaliser le matériel de terrassement mis à la disposition de la SNAAT pour une valeur de 5 603 317 586 MRO puis de retirer un matériel acquis par la SNAAT moyennant un emprunt de l’État d’une valeur de 2 448 705 540 MRO et de vendre ledit matériel aux Groupements d’Intérêt Économique (GIE) des agriculteurs. « Cette opération n’a pas fait l’objet du traitement comptable adéquat », estime le rapport général annuel de la Cour des comptes.
Mauvaise imputation comptable
La SNAAT a procédé en 2016 à l’imputation des recettes des « Digues et diguettes » dans le compte 700882 intitulé « Réhabilitation Barrages Programmes » au lieu du compte approprié 700885 intitulé « Digues et diguettes ». De même, la société a procédé à la vente de quantité de tout-venant coquillé et les recettes de cette vente ont été comptabilisées dans le compte 700345 intitulé « Vente de gravier » alors que ces recettes ne se rattachent pas de façon directe à l’activité de l’entreprise et doivent donc être comptabilisées au compte 706 intitulé « Produits et profits divers ». Par ailleurs, il a été constaté que la SNAAT a procédé à la comptabilisation en charges des montants relatifs à l’achat de moteurs d’engins qui auraient dû être considérés comme de « grosses réparations » et donc comptabilisés en immobilisations.
Absence de provision pour la créance sur la société ISKAN
La créance résultante des aménagements réalisés en 2010, par la SNAAT au profit de la société ISKAN au Km 7 de Rosso, figure toujours dans le compte-client pour un montant de 14 779 619 MRO, sans avoir fait l’objet d’une provision, compte-tenu du risque de son irrecouvrabilité. La Cour rappelle qu’ « une créance qui date de près de 10 ans sans être recouvrée ou apurée doit faire l’objet d’une provision car elle revêt désormais un caractère incertain ».
Non-production des engagements hors bilan avec les états financiers
La SNAAT ne fournit pas d’informations sur ses engagements hors bilan, contrairement aux dispositions du contrat-programme qui prévoit la présentation de ces engagements dans les états financiers. Il est à signaler que les engagements hors bilan font partie intégrante des documents comptables qui doivent être produits et annexés aux états financiers de la Société.
Chèques non comptabilisés
Il a été constaté que les états de rapprochement bancaires font figurer, au cours des exercices contrôlés, des chèques retirés de certaines banques au cours des années précédentes, sans pour autant qu’ils soient comptabilisés par la Société. Les fonds de dossiers relatifs à ces chèques n’ont pas pu être trouvés, au niveau du service de la comptabilité.
Non-respect des clauses du Contrat-Programme relatives aux primes et à la formation
L’article 11 du contrat-programme prévoit que « la SNAAT est autorisée à mettre en place, sur la base d’une évaluation des rendements et performances des personnes concernées, un mécanisme de rémunération du personnel qui soit incitatif et puisse récompenser les personnels techniques les plus performants. Ce mécanisme sera soumis à l’approbation du Conseil d’Administration ». Il a été constaté que les primes d’intéressement approuvées par le Conseil d’Administration et payées en 2019 concernent l’ensemble du personnel de la Société. L’effectif de personnel de la SNAAT est de 130 dont 44 employés à contrat permanent et 86 employés embauchés temporairement en fonction de besoins des projets, en plus de bon nombre d’employés recrutés au besoin des projets.
Par ailleurs, le Conseil d’administration a approuvé, dans sa troisième session ordinaire en date du 26/12/2019, « un renforcement des capacités des ressources humaines à travers la formation du personnel dans les différents domaines (maintenance, génie civil, génie rural, gestion, etc.) ». Or la formation dispensée en 2019 ne concernait que le personnel administratif et financier (personnel comptable, responsable des ressources humaines…) et non le personnel technique. Cette situation est contraire à l’esprit des clauses du contrat-programme et aux décisions du Conseil d’administration. La Cour signale que, selon les dispositions du contrat-programme, les incitations et les formations doivent être allouées au personnel technique.
Absence de concurrence pour certains achats
Les achats sur facture sont effectués, relèvent les missionnaires, par la Commission Interne des Marchés (CIM) mais elle se prononce parfois sur des offres n’ayant fait l’objet que de deux soumissions seulement, contrairement aux dispositions du Code des Marchés Publics qui exige trois soumissions au moins pour ce type d’achats. En outre, certains achats n’ont pas passé par la CIM en 2017 et 2018 (cas des achats de carburant et de ciment) et au cours de toute la période sous revue (cas des locations de véhicules). La Cour rappelle que l’absence de concurrence constitue une irrégularité au regard de la réglementation des marchés publics.
Contrats de location d’engins coûteux et sans concurrence
Les locations d’engins (camions, pelles, niveleuses, bulls, compacteurs, etc.) représentent, au cours de la période sous revue, plus de 80 % de l’ensemble des charges de fonctionnement de la SNAAT et sont présentées par exercice et par type d’engins. il est estimé, note la Cour, que les charges de location d’engins sont importantes et auraient pu être évitées ou réduites par la réparation des engins existants dont les pannes étaient légères (pneus, fuites de distribution et flexibles, accélérateurs, pompes à eau, etc.).
Par ailleurs, les locations d’engins sont faites sur la base de contrats de locations signés par la SNAAT avec des prestataires (MLV, BUS LOCATION, MLM, NLC, STAM, etc.) sans recours à la concurrence, notamment en 2015 et en 2016, malgré l’importance de leurs montants. En plus, ils sont souvent renouvelés par tacite reconduction. « Ce qui leur donne un caractère permanent et répétitif, bien qu’ils soient généralement signés pour de courte durée (1 à 6 mois), ce qui prive de ce fait la SNAAT des avantages éventuels de l’évolution des prix du marché ».
Ce à quoi la SNAAT a répondu : « Le poids important des locations d’engins dans les charges d’exploitation n’a cessé de diminuer depuis notre prise de fonction en 2016. C’est ainsi que cette rubrique a pris la forme d’une courbe de fonction décroissante à grande vitesse de 2016 à 2019. Comme le montre votre tableau récapitulatif desdites locations, la charge annuelle est passée de 100 000 000 MRU en 2016 à 20 000 000 MRU en 2019 soit une diminution de 80%. Cet effort visible a pu être mobilisé suite à la mise en marche des engins qui étaient en panne et l’abandon progressif des locations externes ». La Cour signale cependant que le recours à des contrats de location coûteux et sans concurrence entraine de lourdes charges financières pour la Société d’une part et constitue une irrégularité au regard de la réglementation des marchés publics d’autre part.
Fractionnement des dépenses
La SNAAT a recouru fréquemment au fractionnement des dépenses pour éviter la passation des marchés publics et ce en violation de la réglementation en vigueur.
Locations abusives de véhicules pour le Siège
Bien que la SNAAT dispose d’un parc automobile important composé de 40 véhicules tout-terrain, dont 22 (soit 55 %) sont en bon état, la Direction Générale a dépensé, au cours de la période sous revue, un montant total de 5 194 652 MRU en locations de véhicules pour le siège. Par ailleurs, il a été constaté que la Société a loué des véhicules particuliers pour de longues périodes et à intervalles répétés.
Négligence dans le recouvrement d’une créance sur la COMASUD
En vertu des conventions N°1/COMASUD/MDR/2013 et 01/COMASUD/2014 signées entre le groupement de sociétés SNAAT-STAM et la COMASUD relatives à la réalisation des travaux d’aménagement d’un périmètre de 600 hectares de pépinière de canne à sucre, la COMASUD a envoyé un chèque d’un montant de 82.072.271 MRO au Trésor pour règlement, objet de la lettre N°000135/COMASUD-SA/ADG signée le 03/11/2015 et déchargé au Trésor public le 04/11/2015, sous le N°17371. Mais il s’est avéré que le solde du compte de la COMASUD n’était pas suffisamment provisionné au moment de la présentation du chèque. La SNAAT n’a relancé la COMASUD pour le règlement de ses décomptes que le 11/05/2016.
Compte-tenu de ce qui précède, la SNAAT n’a pas pris les mesures nécessaires et adéquates au moment opportun pour le recouvrement de ladite créance. En effet, l’article 18 du Contrat Programme, relatif au délai de paiement, prévoit que « le paiement des sommes dues à la SNAAT au titre de chaque facture, c’est-à-dire l’ordonnancement des sommes dues, doit avoir lieu dans un délai ne dépassant pas 45 Jours».
Immobilisations vétustes et non assurées
Aux termes de l’article 22 du Contrat Programme, la SNAAT s’est engagée à assurer son matériel contre tous les risques. Or il a été constaté que le matériel d’exploitation, et précisément les engins, reste toujours non assuré. La zone du parc de la SNAAT à Rosso n’est pas sécurisée et pleine de végétaux, ce qui expose son matériel d’exploitation et ses stocks de pièces de rechange à de nombreux risques et notamment à des incendies, d’autant plus qu’il n’est pas assuré. Pa ailleurs, le matériel agricole non cédé, dont huit moissonneuses, et qui était en service est conservé depuis 2015 dans un mauvais état. En outre, il y a lieu de noter que le matériel d’exploitation, et notamment les engins, est totalement amorti et très obsolète.
Synthèse THIAM Mamadou