Lorsque le président zaïrois Mobutu Sese Seko lui offrit un chèque de cinq millions de dollars pour changer sa garde-robe, feu Mokhtar ould Daddah ordonna au Trésorier général d’encaisser le chèque et décida de construire, avec ce montant, l’École Normale supérieure pour former des professeurs dont le pays avait tant besoin. Il n’en garda pas un dollar pour lui bien qu’il s’agît d’un don personnel. Qu’elle est loin cette période où l’argent n’était pas roi et où les pères fondateurs se souciaient d’abord de l’intérêt général ! Le dernier épisode du procès de la décennie qui vit Ould Abdel Aziz déclarer avoir reçu en don, juste avant de quitter le pouvoir, des valises contenant des millions de dollars et d’euros, indique, si besoin était, qu’on est à mille milles de la Mauritanie des bâtisseurs, celle où l’intégrité et le désintéressement étaient la règle et non l’exception.
Quand un ex-Président reconnaît, devant l’opinion publique, les enquêteurs et la Justice, qu’il est immensément riche, il y a de quoi avoir des sueurs froides pour ce pays. Reconnaître, toute honte bue, qu’on a amassé une fortune à l’exercice d’une fonction où l’on se devait d’être exemplaire, c’est avouer combien bas l’on est tombé. Depuis que les militaires ont pris possession de ce pays, les fonctions publiques ne sont plus jugées qu’à l’aune de ce qu’on peut en tirer ; les détournements et la prévarication sont devenus la norme et l’argent, l’objectif de tout un chacun… jusqu’au plus haut sommet de l’État.« Le présent est pour les riches et l'avenir pour les vertueux », énonçait, en France au 17ème siècle, Jean de la Bruyère. Une désespérante sentence que lui dictait certainement le passé de son pays. Mais celui du nôtre ne nous convierait-il pas à penser résolument le contraire et tenter au moins de le vivre ? Car Dieu certes nous rémunérera en ce sens…
Ahmed ould Cheikh