Certains des témoins à charge qui ont défilé à la barre pour « enfoncer » l’ex-Président par de graves révélations se sont accusés eux-mêmes ; parfois de complicité avec le principal accusé, parfois de recel de bien publics et parfois, ce qui est plus grave encore, de blanchiment d’argent et de trafic transfrontalier de métaux précieux.
C’est pourquoi l’on peut se demander si le tribunal n’a pas, à un moment – et même à plusieurs – oublié qu’il jugeait de faits liés aux crimes économiques et financiers ; non pas donc un « seul » accusé – Ould Abdel Aziz –acculé à se battre contre tous et tout. C’est aussi pourquoi l’on est en droit de se demander si, par justice à l’égard de l’accusé principal mais aussi à celui des citoyens de ce pays en droit de savoir tout sur cette « affaire des affaires » parfois troubles et parfois « incompréhensibles », le ministère de la Justice ne devrait pas décider de tout reprendre à zéro, pour que d’autres mauritaniens que tout accuse par la qualification des faits que le tribunal est sommé de juger soient eux aussi présents dans le box des accusés.
Le tribunal qui jugeait« cette affaire du siècle » aurait-il eu peur d’aller « très loin » – trop loin – dans la recherche de la vérité, ou plutôt d’aller « trop près » pour ne pas entendre des témoins qui constituaient, aux yeux de la défense, des éléments-clés pouvant apporter des éclaircissements nécessaires au dire de la vérité et rien que la vérité ? Il est évident qu’au vu des charges retenues, des preuves irréfutables réunies contre lui et de l’implacable réquisitoire du procureur de la République, Ould Abdel Aziz ne peut échapper au prononcé d’un verdict qui va peut-être le priver de sa liberté pour longtemps, du moins aussi longtemps que l’actuel Président restera au pouvoir.
Même si une condamnation était bien le but recherché par la feuille de route de toute la procédure engagée, le procès en présence de l’intéressé a apporté quand même suffisamment de preuves pour qu’une condamnation même lourde ne soit une surprise, ni pour l’accusé lui-même, ni pour sa défense dont la tâche ne fut guère facilitée par l’implication de celui-ci en certaines affaires, ni même pour les Mauritaniens qui décrivent Ould Abdel Aziz comme le plus mauvais président qui s’est assis sur le fauteuil présidentiel depuis le 28 Novembre 1960.
Et finalement tout ce boucan pourquoi ? Pour rien ?
Une fois toute cette affaire terminée, une fois le verdict rendu et le dossier clos, les Mauritaniens peuvent-ils croire en leur justice, au vu de la conduite si vacillante de ce procès pas comme les autres ? Un procès dont certains témoins que tout accuse sont venus à la barre pour se déclarer eux-mêmes coupables de crimes et délits jugés par ce « tribunal d’exception » et qui sont repartis libres de leurs mouvements, sans être nullement inquiétés…
Après avoir découvert au cours des assises que des criminels transfrontaliers servaient de « mules » pour sortir du pays nos richesses, les Mauritaniens vont-ils avaler le fait que ces criminels en conflit avec la loi n’ont pas été poursuivis ? Et que d’autres, trafiquants à la solde de l’accusé principal, directement ou par personnes interposées, soient sortis libres de la salle d’audience, alors que des innocents étaient enfermés dans le box des accusés ?
J’ai bien peur que, taillé sur la mesure d’un homme que cible une sanction décidée par son « Clan », ce procès ne soit un procès de la honte, à cause de son acharnement sur une personne plutôt que sur des faits. Notamment ceux reprochables à certains acteurs qui« ont été échappés » à la procédure par les mailles du « tamis » politique d’une procédure biaisée dès le départ…
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant