Tous pour la Palestine : Le paradoxe

25 October, 2023 - 09:43

Depuis quelques jours, le monde entier observe ce qui se passe au Moyen-Orient ; plus exactement, entre la Palestine et la Sionie. En réponse aux attaques des combattants du Hamas contre l’État qui occupe leurs terres depuis des dizaines d’années, l’armée de celui-ci n’a pas fait dans la dentelle. Elle bombarde et massacre tout sur son passage. Sans ménagement, sans respect des conventions en matière de conflit armés, odieusement. Et le reste du monde observe, médusé, cette déferlante de violences. Mais, tandis que la majorité du monde occidental soutient la Sionie, c’est, partout ailleurs, loin d’être le cas.

Partisan indéfectible du peuple palestinien, la Mauritanie n’a cessé, depuis sa fondation, de le soutenir et les évènements actuel sont vu tous les partis politiques et les organisations de la Société civile battre à nouveau le pavé pour réaffirmer leur solidarité envers cette noble cause. Des sit-in sont organisés devant les ambassades occidentales dont le gouvernement affiche ouvertement son soutien à l’occupant sioniste et devant le siège des Nations Unies pour les appeler à s’engager plus fermement pour la paix et la justice. Tous nos media, publics et privés, consacrent à cette brulante actualité de nombreux débats.

Une mobilisation en droite ligne de la politique de notre gouvernement qui a condamné en conseil des ministres la barbarie de l’armée de Tsahal. Suite à l’ignoble bombardement de l’hôpital de Gaza, le président de la République a même décrété un deuil de trois jours. Des gestes très forts à l’égard du peuple palestinien qu’a tenu à saluer le directeur du Centre culturel scientifique du Hamas à Nouakchott, monsieur le docteur Mohamed  Soubhiabou Saghr, dans son interview accordé, le 18 Octobre dernier à notre hebdomadaire « Le Calame » (1). 

L’indéniable et massif élan de solidarité du peuple mauritanien envers son frère palestinien n’en intervient pas moins dans un contexte préoccupant. Des rumeurs suspectaient en effet notre gouvernement mauritanien de vouloir nouer des liens avec son homologue sioniste, après le rapprochement de l’État hébreu avec le Maroc, plusieurs pays du Golfe – Bahreïn, E.A.U… – et le Soudan. L’Arabie Saoudite venait d’entamer elle aussi des négociations avec la Sionie. La guerre en cours à Gaza est venue interrompre ce processus qui posait un grand tort à la Palestine en tendant à fracturer le monde arabe et islamique.

Celle-ci ne peut que souffrir de ce que les gouvernements decedit monde ne parlent pas le même langage et n’affiche pas un soutien diplomatique unifié à son égard. Mais cette souffrance est, toutes proportions gardées, réciproque car les peuples arabe et islamique se mobilisent, pour leur part, tous et unanimement pour le peuple palestinien. Un décalage trop souvent constaté entre les dirigeants et leurs populations. Les potentats arabes – en particulier, les monarchies du Golfe – ne font pas grand-chose pour la Palestine, leurs pétrodollars servant plus à entretenir de luxueux trains de vie, chacun chez soi, qu’à s’entendre sur l’essentiel. La situation que subit la Palestine depuis tant d’années arrangerait donc tous ces nantis anéantis par tant de compromissions avec les forces financières internationales ?

 

Et nos « palestiniens » mauritaniens ?

Curiosité ou paradoxe de ce monde : certains pays arabes autorisent des marches pour la Palestine mais refusent des manifestations pacifiques réclamant la démocratie, la justice, l’égalité ou dénonçant la hausse interminable des prix, l’organisation inique des échanges commerciaux, la perpétuation de la pauvreté dans les trois-quarts de la planète Terre… Et plus ces contraintes de survie sont vives, moins on autorise les gens à en comprendre et discuter les fondements. Voilà comment la légitime exaspération de nos peuples devant les exactions sionistes se retrouve récupérée pour masquer de plus subtiles oppressions.

Voilà comment le gouvernement mauritanien, par exemple, s’applique à mettre la mobilisation de la classe politique et des organisations de la Société civile pour la Palestine au compte de son affiche d’ouverture dernièrement revue sous l’angle du pacte républicain signé entre l’INSAF, le RFD et l’UFP. Manœuvres politiques, voire politiciennes... Un des plus grands bloggeurs mauritaniens dénonçait tout dernièrement le dévoiement des Mauritaniens qui devraient, selon lui, se concentrer sur leurs propres préoccupations plutôt que regarder ailleurs. Pourquoi ne marche-t-on pas, dans ce pays, pour dénoncer la gabegie, le tribalisme, le régionalisme, l’incurie de l’Administration, le déficit d’enseignants, les dysfonctionnements du système de santé, les inégalités criantes entre les citoyens ? C’est bien un clou très pointu qu’a enfoncé Biram Dah Abeïd dans sa dernière conférence de presse du 16 Octobre 23 : oui, la Mauritanie a bel et bien ses propres « palestiniens » à l’intérieur même de son territoire…

Dalay Lam

 

(1) : http://www.lecalame.info/?q=node/15106