Le gaz « Tortue Ahmeyem », une ressource naturelle partagée entre la Mauritanie et le Sénégal dont la découverte a excité la voracité des multinationales, fait saliver nos deux pays en quête de recettes. Une vraie bouffée d'oxygène pour pallier à une dette grimpante et un pouvoir d'achat en chute libre. Si notre voisin a formé cinq cents jeunes dans les divers métiers du gaz et déjà estimé son revenu et son pourcentage budgétaire en la matière, la Mauritanie n’a encore communiqué aucune donnée de ce type. Tout comme pour le puits gazier de Birallah, quant à lui exclusivité mauritanienne qui offre également d'importantes potentialités économiques. Une opacité au demeurant problématique en ce qu’elle risque de faire le jeu des multinationales et ouvrir la boîte de Pandore à des pratiques peu orthodoxes ; notamment lors de la sélection des ressources humaines appelées à prendre en charge la gestion de ce nouveau secteur hautement stratégique… mais éminemment tributaire des compétences nationales susceptibles d’acquérir un savoir-faire adapté à l'exploitation responsable de ces richesses.
Alors que nos pays s'empressent d’évaluer leurs futures recettes, les multinationales aguerries dans la chasse aux primes prennent leur temps, quitte à ne pas respecter l’agenda du démarrage effectif de l'exploitation prévue en 2023 ; histoire, semble-t-il, de bien ficeler les choses en amont. Les raisons de ce retard relèvent-elles de manœuvres de celles-là visant à se décharger sur nos pays des frais de risques liés à l'environnement, à l'exploitation, au chargement, à l’acheminement du gaz et à l'arrêt de l'activité ? Le cas échéant, il faudra réviser, si elles obtiennent gain de cause, largement à la baisse nos prévisions de recettes, puisque la force contractuelle penche toujours en faveur de la partie exemptée des frais de risque. A-t-on pris en considération cette donne qui sonne à l'évidence ou l'expérience des multinationales a-t-elle tranché ?
Il faut, en ce genre de jeu, du tact et de la vigilance pour tout d’abord boucher les nombreuses porosités et s'assurer ensuite de leur étanchéité, parce que le gaz est non seulement plus léger que le fer et le poisson mais encore ses fuites ne se récupèrent pas. Travaillons donc pour que les contrats passés dans un climat bon enfant ne tournent pas à l'aigre, en lésant l'une des parties. Il faut d’autant mieux peaufiner le cadre contractuel en amont que les remords de dernières minutes n'arrangeront point les choses. Ne l’oublions jamais : censée dynamiser notre développement économique et social, en termes d'emplois, de revenus et de PIB, cette nouvelle richesse requiert un nouveau paradigme de gestion fondé sur la rigueur et l'éthique, pour faire vraiment profiter notre pays de toutes ses potentialités.