L’information circule depuis quelques mois déjà. Treize généraux et une vingtaine de colonels s’apprêtent à mettre leurs rangers au placard après avoir crapahuté durant de longues années. Pour certains, en tout cas. Si la nouvelle est favorablement accueillie par une partie de l’opinion publique, qui voit dans la Grande Muette une des sources du malheur de notre pays, elle n’en est pas moins lourde de significations. Renvoyer tout ce monde d’un seul coup n’est peut-être pas sans risque pour une armée, dans le contexte régional actuel extrêmement instable. Avec les dangers qui nous guettent d’un peu partout. Non pas qu’il s’agisse ici de plaidoyer pour quiconque mais le fait est là. Au moment où les généraux au Maroc et en Algérie ne partent à la retraite que très tard–leur pays respectif ont grandement besoin de leur expérience et de leur compétence – on renvoie les nôtres dès la limite d’âge atteinte. Le général Hosni Ben Slimane dirigea la gendarmerie royale plus de quarante ans durant. Il en fit un corps d’élite et ne partit à la retraite qu’à plus de quatre-vingt ans. Certes il ne manque pas, parmi nos généraux, de promus par complaisance, népotisme et favoritisme flagrant, au détriment de beaucoup plus compétents qui pouvaient légitimement prétendre au grade. Mais certains méritent amplement leur titre. Les mettre à la retraite à un âge aussi précoce, c’est se priver d’officiers de valeur pouvant servir leur pays pendant une décennie au moins. Au Sénégal voisin, des généraux sont souvent rappelés pour occuper des hautes fonctions. Un exemple à suivre ? La question suggère une autre vision de l’utilité de chacun au service de la communauté. Et certes : si l’âge de la retraite nous autorise à mettre fin à cette mission – peut même nous y obliger si des compétences au moins égales aux nôtres se pressent à la succession – l’intérêt supérieur de la collectivité n’en devrait pas moins toujours pouvoir commander nos choix.
Ahmed ould Cheikh