Objet : Mettre fin aux atteintes à l’indépendance de la Justice et des tribunaux, non seulement par le pouvoir exécutif, mais aussi et surtout par le pouvoir législatif. Ces atteintes peuvent être fréquentes étant donné les pressions politiques.
L’indépendance de la justice est une condition préalable à tout développement durable. Dans le propos qui suit, nous ferons d’abord un tour d’horizon historique sur ce que certains avaient appelé « l’ingratitude des peuples » puis nous verrons que la stabilité économique requiert une stabilité politique véritable, avant de propos[p1] er, enfin, des dispositions qu’il conviendrait de prendre, à notre humble avis.
Les temps ont démenti tout le monde. Qui pouvait penser, à l’époque, que le père de la nation Moctar ould Daddah soit un jour renversé par des galonnés « pleins d’étoiles et si peu de lumière» ? On n’est jamais à l’abri des surprises, en politique surtout. Personne ne pouvait imaginer qu’un jour l’ancien Président Mohamed ould Abdel Aziz serait traîné sans ménagement entre sa prison et ses geôliers. Le plus étonnant est que ce phénomène « d’ingratitude des peuples », si l’on peut dire, n’est pas nouveau. Le grand champion de la seconde guerre mondiale, Winston Churchill, fut ainsi battu à plate couture, dès 1945, par un simple candidat du parti travailliste.
Bien avant cela, traînant ses chaines ignominieuses devant les sénateurs romains pour détournement présumé de fonds, le général Scipion l’africain avait lancé du fond de l’hémicycle à l’adresse des élus : «Romains, c’est par un jour pareil que j’ai vaincu Hannibal et Carthage ».Jeté par la suite comme un monstre dans son antre infâme, il réussit à briser ses chaînes et fuit le maudit cachot. Non sans avoir gravé sur ces murs dégradés et hideux : « Ingrate patrie, tu n’auras point mes os».
Depuis toujours, des dirigeants ont été assassinés : César, Kennedy, Gandhi, Kabila, Mohamed Boudiaf et bien d’autres encore, comme Sadatt. Menotté et encadré, le meurtrier de ce dernier martelait à l’attention des responsables, devant la foule des curieux : « j’ai tué le pharaon ».Et même dans l’islam, bien des khalifes furent assassinés, à commencer par le khalife Oumar en pleine prière dans la mosquée.
De nos jours, les choses ont pris une tournure plus sournoise, sous forme d’ingérence dans les affaires judiciaires par des groupes de défense d’intérêts personnels, cherchant continuellement à orienter l’action des pouvoirs publics en leur faveur. Les pouvoir législatif et exécutif recourent parfois aux plus diverses manœuvres pour mettre l’appareil judiciaire sous leur coupe. Le « dossier de la décennie»en est un exemple frappant et, certes, empêcher les abus de ces pouvoirs n’est pas chose facile.
Pourtant l’image arbitraire des pouvoirs publics peut porter gravement atteinte à la crédibilité de l’État. Il peut en résulter une situation encourageant certains à se placer au-dessus de la loi et incitant le reste de la société à faire de même. De telles pratiques ne peuvent que faire barrage au développement et empêcher les dirigeants animés d’un esprit de réforme de donner corps à leurs projets. Un État stable est plus efficace à développer la croissance économique et faire reculer la pauvreté.
Des solutions
Apres le grand retentissement, chez nous et ailleurs, de l’affaire de « la décennie», il importe donc de tirer des leçons pour l’avenir et éviter, tant que faire se peut, l’instabilité politique et économique de notre pays. Il faut d’abord réactiver la loi sur la déclaration transparente et rigoureuse du patrimoine et des biens des présidents, au début et à la fin de chaque mandat présidentiel. Et si l’on veut aussi progresser sur la voie du développement économique, l’État doit renforcer son régime de Droit. Une loi spécifique pourrait être promulguée à cet effet. En voici le propos central : aucun ancien président de la République ne peut être arrêté, détenu ou jugé (qu’) en vertu d’une loi entrée en vigueur avant l’acte commis, sauf en cas de flagrant délit indéniable, ou crime avéré.
Qu’on nous comprenne bien. Il ne s’agit pas de donner des avantages ou des privilèges à d’anciens présidents mais tout simplement de contribuer un tant soit peu à la promotion de la stabilité politique de notre pays, condition sinequanone à tout développement économique et social. Il faut ensuite accorder un minimum d’égards à qui fut président de la République. De toute façon, il est bien entendu que l’article 93 de notre Constitution sera dans tous les cas rigoureusement appliqué. Tout Président de chez nous doit avoir présent à l’esprit cette vérité pourtant simple mais souvent perdue de vue et qui mérite d’être rappelée ici. Au moindre changement, même illicite, au sommet de l’État, les même larbins et laudateurs vont promptement applaudir à tout rompre le retournement de situation mais tout ne peut et ne doit être retourné.
Lehbib Bourdid
[p1]r