Port de Tanit : Les investisseurs se bousculent. Et après ? (1ère partie)

4 October, 2023 - 17:40

Depuis quelques temps, des journalistes de la presse indépendante se relaient à louer les efforts fournis par Ahmed ould Khattri pour vendre des opportunités d’investissements à des privés nationaux et internationaux dans la zone du port de Tanit, nouveau fleuron de la pêche artisanale mauritanienne. Récupéré de l’APIM – Agence pour la Promotion de l’investissement – où il occupait le poste de DG-adjoint, l’homme s’est retrouvé propulsé à celui de DG d’un établissement public à caractère industriel et commercial. Et le voilà, depuis sa nomination par le conseil des ministres du 22 Juillet 2023, à courir de gauche à droite et vice-versa pour attirer lesdits investisseurs.
Le port de Tanit doit sa naissance au  décret 2018-153 du 22 Octobre 2018 qui en a défini les modalités de fonctionnement manifestement assujetties à des investissements conséquents. Dans sa politique de mise en place d’infrastructures nécessaires au développement d’activités génératrices de revenus pour les pêcheurs artisanaux et pour permettre une délocalisation de certaines des activités en découlant, le président mauritanien de l’époque – Mohamed ould Abdel Aziz – avait fait, de la mise en place de multiples infrastructures de proximité, son cheval de bataille.
Un cheval de bataille très coûteux – surfacturé, peut-être – mais un cheval de bataille qui aura tout de même gagné celle du désenclavement des ports de pêche traditionnelle de Dakhlet-Nouadhibou qui étouffaient sous la pression de milliers de pirogues, avant l’arrivée au pouvoir d’Ould Abdel Aziz (2008).Inauguré le 10 Décembre 2018, le nouveau port est dépendant territorialement et administrativement de l’arrondissement de M’Heïjratt (wilaya de l’Inchiri) et commence à intéresser les investisseurs étrangers. 
Appartenant au monde de l’économie maritime, ceux-ci hésitaient cependant à venir s’informer de plus près sur les opportunités qu’offre le pays. Mais, comme le soulignent mes confrères, l’ambiance a changé depuis 2018 et les visiteurs alléchés débarquent maintenant en nombre d’Europe et d’Asie pour examiner les offres, calculer les retombées de leurs éventuels financements et, surtout, évaluer la réalité des souplesses de notre code des investissements.

Ghazwani fait tout pour avancer…d’autres, tout pour le faire patiner
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ould Ghazwani (2019), le climat politique en Mauritanie est considéré très favorable à des investissements sans risques. Nos institutions financières et économiques sont confiées à des personnalités publiques intègres et de renommée assurée. Avec, à la tête de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM), monsieur Mohamed Lemine ould Dhehbi, ancien ministre  des Finances nanti d’un DEA en macro-dynamique et finance internationale ; à celle de l’Agence de Promotion de l’Investissement en Mauritanie (APIM), madame Aïssata Lam, diplômée en Finances et Commerce International au HEC de Montréal et à l’Université de Harvard, et, à la direction de la  Chambre de  Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Mauritanie (CCIAM), Cheikh Al Avia ould Mohamed Khouna,  ancien Premier ministre, l’environnement de l’investissement en Mauritanie paraît en effet fertile et adaptable  à toute forme de partenariat.
Mais la nomination de ces personnalités publiques compétentes à de tels postes-clés – éléments certes essentiels pour jauger de la santé macro-économique de notre pays – suffira-t-elle à provoquer la ruée d’investisseurs en quête de potentialités et d’opportunités favorables ? Toute la question est là… ainsi que sa réponse, aussi évidente que malheureuse : non. Tout simplement parce qu’en dépit des assurances données à ceux-ci par Ould El Ghazwani en personne, lors de ses déplacements officiels dans les pays d’Europe, d’Asie ou  d’Amérique ; malgré toutes les garanties données par notre ex-ministre de l’Économie et du secteur productif, monsieur Kane Mamadou Ousmane qui était arrivé à  convaincre les plus sceptiques de renouer avec la Mauritanie ; malgré les énormes efforts consentis par Aïssata Lam, Mohamed Lemine ould Dhehbi, Cheikh Al Avia ould Mohamed Khouna, et tous les avantages et souplesses accordées par le ministre des Finances, Isselmou ould Mohamed M'Badi, pour accompagner les faveurs de notre code des investissements, la Mauritanie reste pour les grands investisseurs  et bailleurs de fonds une véritable jungle foisonnant d’incalculables dangers.

Quand le virus de la délinquance et de l’arnaque de l’investissement devient mutant
Répondant, durant la Transition 2005-2007, à la question du pourquoi ne s’investissait-il pas personnellement pour drainer des investisseurs vers notre le pays, feu Ély ould Mohamed Vall, président de la junte militaire, avait dit qu’en la matière, « la Mauritanie était sur la liste noire des pays infréquentables ».Ce qui signifie que le président Ghazwani – cet  homme qui s’est toujours distingué par sa vertu morale – la séduisante Aïssata Lam, le respectable et respecté Mohamed Lemine ould Dhehbi et Cheikh Al Avia ould Mohamed Khouna  peuvent  tout faire et même conjuguer leurs efforts à tous les verbes qu’ils veulent, ils ne réussiront jamais à soigner  l’image de marque du pays…aussi longtemps que prolifèreront, dans leur ombre, tant de « voyous » de la délinquance et du crime financier journellement attelés à leurs activités subversives et malhonnêtes.
Il ne faut pas avoir peur d’appeler les choses par leur nom. Depuis que le président Ould Daddah fut déposé de son pouvoir, c’est le désordre total et le vol en bandes organisées dans les milieux de l’investissement. Confrontée à des pressions parentales, tribales ou régionales, même notre justice s’est laissée entraîner dans les arnaques de mauritaniens qui faisaient appel à des investisseurs, les amadouaient et finalement leur volaient leur argent, au su et au vu des autorités administratives.
Tout au début, trusts et multimilliardaires des pays du Golfe ou de l’Arabie saoudite acceptaient naïvement de placer leur argent chez nous. Immanquablement piégés par l’accueil attentionné et chaleureux dont ils faisaient l’objet, ils se lançaient en toute confiance dans des affaires quine relevaient, au final, que de la très grande escroquerie en bande organisée. Sous la dune immaculée, les immondices putrides de l’ère Maaouiya…
Durant la décennie d’Ould Abdel Aziz, les techniques et les approches pour appâter les investisseurs changèrent de forme. Proches ou parents de responsables du cercle restreint au sommet de l’État faisaient venir des investisseurs – parfois de vrais, parfois de faux… – pour les introduire au plus haut de la hiérarchie diplomatique ou militaire et leur « déverrouiller » ainsi toutes les portes donnant accès à des licences pour des investissements… qui se terminaient le plus souvent par des arnaques qui ternissaient l’image du pays. Tel fut le cas de ce « financier » arabe qui devait redresser la situation de la SONIMEX et qui bénéficia au final d’un important pactole de ladite société, sans rien lâcher en retour…avant de disparaître dans la nature des « secrets d’État ». (À suivre).

Mohamed Chighali
Journaliste indépendant