Le projet de loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles suscite un débat nourri en Mauritanie. En conférence de presse, le mercredi 27 Septembre 2023, le ministre du Pétrole, des Mines et de l’Énergie, porte-parole du gouvernement, M. Nani Ould Chrougha, a démenti les informations circulant concernant la loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles (loi de la dignité),’’ attribuant ces rumeurs à une campagne orchestrée contre la loi, qui tire certaines informations de lois précédentes, tout en précisant que ladite loi est toujours un projet qui n’est pas encore adopté’’.
Il a également affirmé, répondant à une question sur le sujet, lors du commentaire des résultats du Conseil des ministres tenu mercredi à Nouakchott, ‘’ qu’on ne peut pas surenchérir sur les parties chargées de l’élaboration du projet de loi en question en matière de religion, d’éthique ou de valeurs sociales’’. De plus, ajoute-il, la loi a été transmise au Conseil supérieur des fatwas et des recours gracieux ainsi qu’à l’Association des Oulémas de Mauritanie, qui se sont exprimés sur l'affaire.
Signalons qu’à deux reprises, les députés ont rejeté un projet de loi prévoyant notamment l’aggravation des peines pour viol et la pénalisation du harcèlement sexuel.
Double rejet
L’Assemblée, majorité et opposition confondues, avait rejeté la loi en janvier 2017, puis une seconde fois, via la commission parlementaire de l’orientation islamique, en décembre 2018. Et ce malgré l’intervention du ministère de la justice, qui a introduit dans le texte des dispositions sans lien direct avec les violences sexuelles, notamment sur la sanction de l’adultère, ou réduisant certaines peines prévues initialement en cas de coups et blessures ou de séquestration par le conjoint. Ces amendements n’ont pas suffi à amadouer les députés, qui ont en particulier renâclé sur le concept de « genre », considéré comme relevant de valeurs étrangères, ainsi que sur certains articles portant sur le droit de voyager sans autorisation du mari ou autorisant les organisations d’aide aux victimes à se constituer parties civiles.
Des ONG ont participé à la rédaction de ce projet de loi, approuvé en mars 2016 par le gouvernement, prévoyant en particulier l’aggravation des peines pour viol, la pénalisation du harcèlement sexuel et la création de chambres spécifiques dans les tribunaux pour les affaires de violences sexuelles.
‘’Stéréotypes sexistes ‘’
En février dernier, lors de l’Examen de la Mauritanie devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW ): tout en saluant les nombreux efforts déployés par le pays, les membres du Comité soulignent que les femmes et les filles continuent d’être victimes de discriminations et de stéréotypes
‘’Cependant, a-t-il été observé, les garanties constitutionnelles de non-discrimination et de protection des droits des femmes et des filles restent évasives. Une experte a noté que dans la pratique, les femmes et les filles continuent d'être victimes de discrimination dans tous les domaines, y compris dans la secteur de l'emploi. Les progrès dans le domaine de l’égalité entre les sexes sont entravés par des stéréotypes sexistes répandus et par des attitudes conservatrices concernant le rôle et la position des femmes dans la société et dans les communautés, qui viennent ajouter à la pauvreté et à la marginalisation des femmes’’, a observé le ministre.
‘’Les femmes et les filles victimes de violences, et notamment de violences sexuelles, ne sont pas protégées par la loi, a-t-il par ailleurs été déploré’’.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) avait examiné, à Genève, le rapport présenté par la Mauritanie au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Au cours du dialogue, la délégation mauritanienne avait notamment indiqué que le projet de loi sur la violence faite aux femmes et aux filles devrait être présenté devant le Conseil des ministres en mars prochain avant d’être adopté par l’Assemblée nationale en avril ou mai de cette année.Pour le moment, rien n’a été fait.