Fléau à multiples dimensions, les industries de farine de poissons ont connu un développement fulgurant dans l’espace de l’Afrique du Nord/Ouest, poussant certains états, à l’image du royaume du Maroc, à réagir rapidement pour conjurer les conséquences catastrophiques d’une activité sans grande valeur ajoutée, relevant plutôt d’une pratique fondée sure une politique de gestion de la ressource à courte vue et un égoïsme forcené. Abidine Sidaty, ADG usine de congélation STPH-Frigo, détaille les effets désastreux d’une industrie qui a connu une expansion en Mauritanie au cours des dernières années. Il évoque dans ce texte, les graves conséquences économiques, sociales, environnementales et sanitaires, d’une industrie au banc des accusés et sous les feux croisés de la dénonciation de nombreuses organisations engagées dans la préservation de l’environnement marin et des ressources halieutiques, à l’image de Greenpeace.
''En Mauritanie, les usines de farine de poissons ont une série d impacts dévastateurs à plusieurs niveaux de l’activité liée à la gestion des ressources halieutiques.
1-Surpêche et épuisement des ressources marines : les usines de farine de poissons dépendent souvent des captures massives d’espèces juvéniles. Ce qui conduit à la surpêche et à l’épuisement des ressources marines critiques, avec des effets négatifs sur les pêcheries locales et les ressources traditionnelles, menaçant les moyens de subsistance des pêcheurs.
2-Menace contre la sécurité alimentaire : l’extraction à grande échelle de la farine de poisson, peut réduire la disponibilité des ressources destinées à la consommation locale, dans un contexte ou celui-ci est une source de protéines, son épuisement ayant pour conséquence l’insécurité alimentaire et la malnutrition, surtout parmi les communautés vulnérables.
3-inégalités économiques : les bénéfices générés par les usines de farine de poisson ne profitent pas globalement aux communautés locales. Ce qui peut exacerber les inégalités économiques au sein des différentes couches de la population, avec une majorité des bénéfices au profit des investisseurs étrangers, ou aux élites nationales.
4-Dégradation de l’environnement : le processus de transformation du poisson en farine peut entraîner une pollution et une dégradation de l’environnement, notamment le rejet de polluants dans l’eau et l’air, ce qui peut nuire à la fois aux écosystèmes aquatiques et à la santé humaine.
5-Tension sociale : l’expansion des usines de farine de poisson conduit parfois à des conflits entre les communautés locales et les exploitants des usines, en particulier lorsqu’il existe des différents sur l’accès aux zones de pêche, l’utilisation des terres ou la répartition des bénéfices.
6-Réduction de la biodiversité : la surpêche pour la production de la farine de poisson cible souvent les petites espèces pélagiques qui se situent très bas dans la chaîne alimentaire. Ce qui peut perturber le réseau trophique marin et avoir un impact sur d’autres espèces qui dépendent de ces juvéniles pour se nourrir. Il est important de noter que toutes ces usines de farine de poisson n’ont pas le même impact, et des efforts ont été déployés pour atténuer les effets de leurs activités en Mauritanie. Il apparaît ainsi que des pratiques durables et une gestion responsable peuvent contribuer à minimiser les conséquences négatives associées à la production de la farine de poisson en Mauritanie.
Graves menaces contre la santé
Au-delà des aspects évoqués, les conséquences engendrées par les activités des usines de farine de poisson portant sur la santé humaine dans les de Nouakchott et Nouadhibou, semblent les plus dramatiques. En effet, l’activité de ces industries provoque une émission d’odeurs nauséabondes résultant de la cuisson et du traitement de poisson. Ces émanations contiennent des composés chimiques toxiques tels que l’ammoniac, le sulfure d’hydrogène et les amines biogènes. Inhalées à long terme, ces substances ont des conséquences désastreuses sur la santé respiratoire des populations. Ainsi, plusieurs études ont montré que l’exposition chronique à ces odeurs toxiques peut provoquer des maladies graves au niveau des voies respiratoires, notamment l’asthme, la bronchite chronique et même le cancer des pouvons. Les habitants des régions proches des usines de farine de poisson sont particulièrement vulnérables, subissant les effets néfastes de cette pollution de l’air sur leur santé. Ce phénomène a provoqué l’exode de certaines populations de Nouadhibou vers Boulenoir et Sweysia.
A la lumière de ce qui précède, il est impératif de repenser notre utilisation des ressources de la pêche, plutôt que de les orienter massivement vers l’industrie de la farine de poisson, nous devrions privilégier la consommation humaine. Cette option stratégique, contribuerait non seulement à garantir la disponibilité du poisson sur le marché local, mais aussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre, associés à cette industrie polluante. L’industrie de farine de poisson exige également l’adoption de technologies de traitement plus propres".