Les Mauritaniens parlent beaucoup. À tort et à travers. Dans le vide et le plein. Au bon et au mauvais moment. Ça, ce sont les Mauritaniens. Parler, voilà vraiment leur sport favori ! Que ce que tu dis soit vrai ou faux, peu importe. L'essentiel est de parler. En tout et de tout. De la politique, de l'économie, de l'histoire, de la géographie, de la poésie, de la physique, de Max Planck et de sa mécanique quantique, de la civilisation bantoue ou des rites vaudous, de pourquoi Ghazwani se fâche ou fait semblant de l’être, de pourquoi ADDAX est un scandale ou ne l'est pas, de pourquoi les ministres sont ceux-là plutôt que ceux-ci. De pourquoi la Première dame est la Première dame. De pourquoi le fonds de la presse se gère comme ceci et non comme cela. Les Mauritaniens ont commencé à parler depuis très longtemps. Le congrès d'Aleg, c'était pour parler. Ils étaient venus de toute la Mauritanie et même de plus loin pour parloter. Puis ils ont continué. Même les militaires, qui sont généralement de grands taiseux puisqu’issus de la Grande muette, sont devenus de gros parleurs utilisant les civils, qui étaient déjà de grands parleurs,comme des haut-parleurs. Qui ne se rappelle du célèbre discours de Néma en 1985 ? Ou de celui par lequel le président du CMJD ouvrit les journées nationales de concertations post-renversement du premier Président « démocratiquement » élu ? Ou encore des fameuses rencontres avec le peuple initiées par un certain général aujourd'hui mis au banc des accusés, justement pour parler avec ses co-accusés du déroulé de toute une décennie ? Et voilà qu'on nous invite à continuer à parler les uns avec les autres ! Des opposants historiques des plus irréductibles commencent à parler avec les majoritants les plus convaincus. Bien que très fâché, le Président bénit la parlote interopposants historiques et majoritants légendaires, promettant même de l’écouter. Plus loin, d'autres aussi remontés que le Raïs parlent un autre langage. Mais ils parlent quand même, ne serait-ce que pour menacer de ne pas se taire. Du coup, c'est la cacophonie. Chacun parle de son côté. Les oppositions refusent de se parler. Les majorités promptes à tout entendre. Et le peuple déblatère lui aussi. Dans une farce, il faut un dindon. Ce sera qui cette fois ? Un adage populaire « très » bien de chez nous disait naguère : « Kelem kelem mahou maloum » (parler, parler, ce n'est pas bon). Alors je me le tiens pour dit et mets dix doigts sur ma bouche. Salut !
Sneiba El Kory