Note d’alerte, septembre 2023
Mali
Le 08 septembre 2023, une attaque-suicide du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Gsim) visait le camp des Forces armées maliennes (Fama) à Gao ; l’exactitude deschiffres et la nature des pertes demeurent inconnues, quelques heures après mais des rescapés évoquent le bilan de 70 militaires et 100 civils, sacrifiés. La veille, deux raids successifs de la même obédience frappaient le périmètreToumbouctou, en l’occurrence la garnison de Bamba et un bateau de la Compagnie malienne de navigation (Comanav), qui desservait les villes sur le fleuve Niger. L’emprise au sol,des troupes régulières, fut brièvement occupée et pillée ; le butin comprend plusieurs véhicules tout-terrain, des automitrailleuses et des munitions ; avant de se retirer, les assaillants incendiaient les bâtiments. L’arithmétique officiellementionne 64 morts pendant l’accrochage fluvial mais élude le second évènement de la journée. En 48 heures, le décompte total dépasserait la centaine. Or, le 6 septembre courant, des aéronefs de guerre bombardaient, à titre préventif, des retranchements ennemis, sur le septentrion, afin de contrarier l’imminence d’une agression. Faut-il rappeler que la Mission multidimensionnelle de stabilisation du Mali (Minusma) vient de retirer, ses casques bleus, des localités de Ogassagou (centre), Ber, Goundam (centre-nord), et Ménaka (nord-est). En parallèle, les rebelles signataires des accords de paix d’Alger, s’en retirent, un par un et laissent,l’armée et les mercenaires Wagner, seuls face à l’envahisseur. « Nous sommes assurément très inquiets », déclarait, le lendemain, le porte-parole adjoint du secrétaire général des Nations unies.
Burkina Faso
Le 4 septembre, près de la Koumbouri, au nord, des affrontements entre les loyalistes et des katibas - dont la dénomination reste à préciser – occasionnent le décès de 53 personnes et l’évacuation de 30 blessés, la plupart des soldats. Au nombre des trépassés, toujours selon les sources d’état-major, figuraient 36 miliciens, dénommés Volontaires pour la défense de la patrie (Vdp). Il importe de préciser que les violences font suite à une tentative de réinstallation, dans leurs villages d’origine, des milliers de déplacés internes, au terme de deux années d’exode, à cause du déficit croissant de sureté. Le mois révolu, à divers endroits du territoire, les Groupes armés terroristes (Gat) semaient la terreur au sein de lapopulation. Notamment à proximité de la frontière avec le Togo (Cinkancé, Bittou), zone moins exposée jusqu’ici, l’on dénombrait, le 6 août l’exécution de 25 commerçants, de retour du marché hebdomadaire et la destruction d’une quinzaine de camions de marchandises. Pour le quotidien français l’Humanité, les actes de belligérance « ne cessent de s’intensifier depuis le coup d’État de septembre 2022 ».
Observations
1. La dégradation de la situation sécuritaire se propage au Niger voisin ; un coup d’Etat, des sanctions économiques et une menace de rétablissement de l’ordre constitutionnel par la force fragilisent les capacités défensives ; les auteurs du putsch ayant privilégié la concentration des équipements et des fantassins autour de la capitale en vue de la sanctuariser, tout l’hinterland rural, surtout la région de Tillabéry (ouest), se trouve, désormais, à la merci des (Gat). Parmi les conséquences de l’abandon graduel des positions, l’on constate l’essor de la guerre civile, sur fond de délit de faciès ; pasteurs peulhs et paysans d’autres ethnies s’entretuent, en silence, à l’abri du regard.
2. Si l’on considère la récurrence des indicateurs empiriques, l’échec, des 3 juntes de transition, à contenir le péril au niveau déjà critique du début de 2023, laisse entrevoir le pire. La probabilité de l’effondrement de l’autorité publique, à l’image du précédent Afghan, relève, dès lors, de l’hypothèse crédible. Les implications de la débâcle annoncée ne s’arrêteraient aux frontières des pays du champ. Tout est possible, à présent, y compris la chute, d’une capitale, aux mains des promoteurs du Califat. Nul l’ignore la tragédie consécutive.
3. Une vague sans précédent de déplacés risque de déborder l’espace de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ; ainsi atteindrait-elle les rives de la Méditerranée au nord et, sur le flanc, sud, la profondeurdu Golfe de Guinée ; le mouvement provoquera, ici-et-là, des frictions avec les autochtones, la montée de la xénophobie et l’épuisement des capacités d’accueil du Haut-commissariat, des Nations unies, aux réfugiés (Hcr). La crise protéiforme duSahel devient un enjeu de sécurité globale.
Dr Ousmane Dicko