Candidat potentiel à la prochaine élection présidentielle, à quel étrange mandat l'ex-dirigeant des États-Unis aurait-il à faire face, s’il était élu ? Déjà inculpé de soixante-dix-huit chefs d'accusation en trois affaires criminelles majeures – tous assez lourds selon les normes américaines–il est de surcroît chargé de nombreuses autres poursuites civiles relatives à diverses infractions. Selon les normes juridiques internationales et les justes coutumes américaines, il devrait au moins être placé dans un centre de détention provisoire et ne même pas penser à une campagne électorale.
L’objectif de ses adversaires semble en tout cas clair : l’enterrer sous un tas d'accusations et de poursuites, pour qu'il ne relève pas la tête et perde « aux points » dès les premières étapes de celle-là.
Selon la loi américaine, il peut certes postuler à n'importe quel poste, non seulement pendant l'enquête et le procès, mais aussi s'il est emprisonné. Une hypothèse cependant difficilement compatible avec le développement d’une campagne électorale.
Dangereux imbroglio
Admettons que « l'Establishment » prenne la décision politique de ne pas exclure Trump des élections. Il leur resterait cependant la possibilité théorique de rappeler une loi adoptée à l'époque de la guerre civile américaine qui interdit aux « mutins» d'être élus. Mais cela équivaudrait, en pratique, à instaurer une sorte « d’anarchie légale ». D’où la nécessité d’enterrer magnifiquement l’imprévisible politicien avec toutes les cérémonies idoines, afin qu’il n'effraie plus, quatre années encore, le révérend Washington avec ses ruses retorses. Le premier mandat a largement suffi.
Degré élevé de probabilité, c’est sous le feu de trois ou quatre procès que Trump vivra la campagne présidentielle de Novembre 2024. Il est beaucoup moins probable qu'ils soient achevés au moment du vote : les avocats essaieront de faire traîner les affaires. Ce qui laisse pendante l’hypothèse suivante : si Trump est réélu – en cas d'affrontement avec Biden, les sondages donnent à chacun un nombre égal de partisans (40%) – et qu’il soit en suivant condamné au moins dans un de ses procès, il ne pourra en tout cas pas user du droit de grâce présidentiel et il en résulterait la plus grave crise politique du système américain qui n’y a jamais encore été confronté. On comprend donc qu’il vaudrait objectivement mieux l’éviter.
De quoi Trump est-il accusé ? Impossible de tout lister ici. Liés à la « prise du Capitole » le 6 Janvier 2021 – un dossier d’accusation de quarante-cinq pages, soit dit en passant– les derniers griefs relèvent de « l'organisation d'une rébellion »,« tentative de saper la démocratie » et autres formules du même genre. Par ailleurs, une affaire est toujours en cours en Géorgie pour « entrave au décompte des voix et tentative de falsification des résultats de l'élection présidentielle ». Avec, cerise sur le gâteau, la« manipulation illégale de documents classifiés ».
Des arguments discutables de part et d’autre
Quels sont les arguments de la défense ? Sans prétention, ils n’en sont pas pour autant évanescents. Ses partisans et avocats attribuent tout d’abord toutes les charges contre leur leader à des motifs purement politiques du «clan Biden», dans le but principal de détourner l'attention du public des actes (prétendument) criminels d’Hunter, le fils de l’actuel Président, « grand méchant » dans la vie, selon eux. Apparemment très distrait par le travail, Papa n'aurait pas prêté l'attention voulue à l’éducation de son rejeton.
Second argument, l’appel au 1eramendement à la Constitution relatif à la liberté d'expression. Exprimant son désaccord avec les résultats des élections, Trump n’aurait fait qu’exercer ce droit pratiquement sacro-saint aux USA. Cependant, depuis que le père fondateur Jefferson a proclamé que le peuple avait le droit de se rebeller et qu'il serait bon pour la démocratie qu’il en usât une fois tous les vingt ans environ, beaucoup d'eaux ont coulé sous les ponts. Le citoyen/électeur américain d'aujourd'hui n'exige aucune révolution : il veut de la stabilité et des améliorations progressives. Bien sûr, la demande de stabilité de la part de l'Establishment est encore plus forte, ce que Trump aurait contesté. Dès lors, même la majorité des républicains estiment que la « prise du Capitole » fut un excès condamnable.
L’argument de l'accusation selon lequel Trump aurait répandu, après sa défaite électorale, des mensonges sur de prétendues fraudes massives, alors même qu’il les savait infondées, sont, aux yeux de beaucoup, exactement le contraire du même 1eramendement. Mais celui-ci ne fait pas de distinction ni n’établit de frontière entre des déclarations « sciemment fausses » et de vraies. Au moment de son adoption, le concept de fake news n’existait pas. On croyait que si une personne exprimait un point de vue, c’est qu’elle le pensait vraiment et avait le droit de le faire connaître. Cette partie de l'accusation ne semble pas assez forte. Contrairement, disons, aux cas – s'ils peuvent être prouvés – où Trump aurait de fait appelé à falsifier des résultats du vote.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service Études et développement
Établissement portuaire de la Baie du Repos (Nouadhibou)