Le remaniement ministériel d’Ould Bilal : Quel enjeu pour Ould Ghazwani ? (Suite et fin)

23 August, 2023 - 11:11

Le dernier remaniement en date est celui que Mohamed Bilal ould Messaoud a effectué. Quatrième du quinquennat d’Ould Ghazwani et troisième de son Premier ministre. Reconduit pour parachever le travail commencé sous les deux précédentes moutures, Mohamed Ould  Bilal Messaoud a de toute évidence la lourde responsabilité de mettre en place une équipe Task Force « obligée » de gagner une bataille guère facile : mettre les bouchées triples pour que tout ce qui peut être réalisé du programme électoral du président Ghazwani le soit avant la fin de son premier mandat. Tâche donc ardue pour une équipe de «Mourabitounes» qui doit gagner leur match non seulement en sa durée réglementaire mais aussi en vue de sa prolongation de mille huit cents jours pour Ould Ghazwani à partir de2024.

 

Ghazwani-Ould Bilal, un deal « donnant-donnant, gagnant-gagnant » ?

Très bon stratège, l’ancien général des forces armées mauritaniennes Mohamed ould Cheikh El Ghazwani devenu chef de l’État sait mieux que quiconque que, pour les derniers mois de son premier mandat, il n’a pas seulement besoin d’un Premier ministre de confiance mais aussi d’un Premier ministre consciencieux qui sait ce qu’il doit faire et comment le faire. Avec l’immense travail déjà accompli à la Primature depuis Août2020, Ould Bilal dessine parfaitement bien le profil du responsable avec lequel Ould Ghazwani devait, dans son intérêt, «recomposer »une troisième fois pour achever son premier mandat.

Peu connu du grand public avant sa nomination à ce poste, celui-là a bien gagné la confiance d’Ould Ghazwani. Titulaire d’un Master II en sciences de gestion, très bon et intègre technocrate, il n’a en tête que son travail et le fait bien, suivant scrupuleusement ce que lui dicte sa lettre de mission, d’une part, et, d’autre part, son honnêteté morale et intellectuelle, son sens élevé de l’organisation et sa franchise. En plus de tous ces atouts, l’actuel Premier ministre est, si l’on peut dire, l’aiguille de la balance Roberval de la wilaya du Trarza. Un « stabilisateur » des tensions internes de l’aile politique de Rosso et de Keur Macène où des poids lourds de la majorité au pouvoir, comme Mohcène ould El Hadj, Boydiel ould Houmeïd, Bamba ould Dramane ou Brahim Fall, évoluent certes toujours dans le même sens… mais parfois en ordre dispersé.

Si donc Ould Ghazwani a accepté pour Ould Bilal un troisième mandat, c’est bel et bien qu’il est question, derrière cette décision, d’un deal gagnant-gagnant. Ghazwani le sait et Ould Bilal aussi. Le Premier ministre a parfaitement conscience que le temps qui le sépare de la fin du premier mandat d’Ould Ghazwani – un temps qui se décompte désormais à rebours – est très court et ne permet plus ni faute ni complaisance d’aucune sorte des vingt-huit ministres de son gouvernement. Il en a lui-même choisi neuf membres – à moins qu’ils n’aient été sélectionnés « pour » lui – et ont tous à « rattraper » les cours de leurs prédécesseurs au gouvernement qui ont réussi l’épreuve difficile de passer d’un gouvernement sortant à un autre entrant.

Les « réintégrés » : Sid’Ahmed ould Mohamed (Urbanisme et Habitat), Nani ould Chrougha (Énergie et Mines, porte-parole du Gouvernement), Hanena ould Sidi (Défense), Isselmou ould Mohamed M’Bady (Finances), Moctar ould Dahi (Éducation nationale), Zeynebou mint H’Mednah (Emploi et formation professionnelle), Lalya Camara (Environnement) ; ont été récompensés par leur maintien dans le gouvernement pour leurs compétences mais surtout les rendements objectivement mesurables qu’ils ont obtenus dans la mise en place des programmes concrétisant les « Taahoudaty» d’Ould Ghazwani.

 

 

Des départs qui interrogent

Cela dit, Kane Ousmane Mamadou, l’ex-ministre de l’Économie et du Secteur Productif, manque étonnamment à l’appel dans la liste des maintenus au gouvernement. Parti de son plein gré ? Remercié ? Proposé à une autre fonction ? Cette absence a en tout cas suscité de grands remous dans la classe intellectuelle. Pour beaucoup, c’est un non-sens. Ingénieur des Mines sortant d’une Polytechnique française (Palaiseau), il était demeuré, de son entrée à sa sortie du gouvernement, en pole position du Top 5 des ministres les plus performants de l’ère Ghazwani, selon le classement du Groupe de Presse Francophone de Mauritanie.

Ce qui est arrivé au dernier remaniement qui a fait partir Kane Ousmane ressemble étrangement à ce qu’il advint naguère avec le remerciement de Mariam Bekaye (Environnement) et de Taleb ould Sid’Ahmed (Jeunesse). Cela pourrait peut-être signifier que ce gouvernement dont la composition tarda à prendre forme est plutôt composé d’éléments « pré-positionnés » pour la bataille de 2024, un combat qui nécessite des compétences plus tribales ou régionales qu’académiques. Logique d’une théorie accordant priorité au dégagement d’une piste d’atterrissage pour Ould Ghazwani en vue d’un nouveau quinquennat…Ainsi pourrait-on dire, en conclusion et sans offenser personne, que le troisième gouvernement d’Ould Bilal est, au sens «étymologique » du terme comme le dit Larousse, un remaniement défini par « un mélange de fragments de roches et de fossiles constituant un sédiment solide »,afin de servir de système de défense à Ould Ghazwani confronté à l’impérieuse nécessité de remporter la victoire pour un second mandat. Une perspective ardemment souhaitée par Sid’Ahmedould Mohamed, l’actuel ministre de l’Urbanisme, lors d’un entretien avec Jeune Afrique.

 

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant