Un projet caritatif portant le slogan « Secours et assistance aux enfants de la rue » peut être mis en place, instituant des centres spécialisés pour accueillir ceux-ci, les orienter socialement et religieusement, ainsi que des foyers de résidence temporaire ou permanente, le tout axé sur un projet de développement intégré. D’autres idées restent encore à creuser : accorder de bons prêts sans intérêt aux familles pauvres pour développer leurs revenus et élever leur niveau de vie, en établissant de petits ou moyens projets productifs ;prendre à bras-le-corps le décrochage scolaire, encourager les programmes d'alphabétisation pour les adultes qui ont raté le train scolaire et prêter beaucoup plus d’attention aux écoles spécialisées d'enseignement technique et professionnel ;lutter contre l'emploi précaire, une des plus importantes causes de la mendicité ; développer la foi religieuse des mendiants et de leurs familles, en s’appliquant à les aider à devenir des membres utiles et actifs de la société.
J’insisterai ici sur la nécessité d’œuvrer à modifier la perception mutuelle entre la société et les enfants des rues, une condition sine qua non à la prévention de la criminalité ; tout comme l’intégration des handicapés exige une profonde évolution du regard commun envers ceux-ci. On ne saurait trop sensibiliser le public, les autorités et les associations civiles à la gravité de la mendicité. Il nous faut motiver les employés des unes et des autres à étudier l'ampleur et la nature réelles du problème avant de développer des solutions préventives et curatives. Dans le même ordre d’idées, on peut ici entendre l'importance d'inclure, dès les premiers stades de l’enseignement scolaire, une définition de la mendicité, expliquant ses méfaits pour l'individu et la société.
Offrir des opportunités d’emploi
Les media audio, imprimés et visuels ont un rôle important à jouer dans la définition, la clarification de l’ampleur et des dégâts du phénomène, par le biais d'écrits, programmes et autres séminaires. Au final, il revient à chaque citoyen et passant dans les rues de transmettre, à tout celui qui mendie, les informations pertinentes qui le concerne. En adoptant le système des familles productives, plutôt que donner de l’argent au mendiant, il devient possible d’offrir à celui-ci une opportunité d'emploi, lui apprendre un métier, voire lui ouvrir une boutique pour qu'il devienne un membre productif de notre nation. Autre recette à cet égard – et non des moindres… –la fondation d’awqafs où des hommes d'affaires pourraient réaliser divers de ces projets caritatifs, en pleine mesure du rôle social et national qui incombe aux détenteurs de capitaux.
Il existe des institutions sociales, comme le Centre caritatif d'orientation sociale et de conseil familial, aptes à fournir des services sociaux, préventifs et thérapeutiques aux familles à problèmes (divorce, veuvage, recomposition mal assurée et autres problèmes générateurs de déviations). Il faut soutenir celles-là dans leurs services d'éducation, de conseil et d'orientation à ces familles et l’on complètera cette attention en attribuant, chaque année, un prix à l’organisation caritative ayant, durant la période, le plus contribué, concrètement, à éradiquer la mendicité, élever le niveau des familles pauvres et éviter à certains de leurs membres de descendre dans la rue pour y quémander de quoi vivre.
La question des sanctions légales contre la mendicité et autres phénomènes liés à celles-ci est plus délicate. Elle demande notamment une certaine flexibilité pour faire face à divers obstacles administratifs et réglementaires. Il s’agit d’agir toujours en connaissance la plus parfaite possible des tenants et aboutissants de chaque cas, sans cesser d’appliquer de stricts principes généraux, comme ceux de ne jamais distribuer d'aumônes dans les lieux publics ; soutenir en permanence des programmes d'emploi pour les chômeurs, afin de doter ceux-ci de qualifications exactement adaptées aux besoins des usines et des entreprises ; ou, encore, encourager la recherche sociale, criminologique et statistique, en l'orientant vers les dimensions de ce phénomène et y développer des solutions efficaces.
Au final, je suis bien conscient que le sujet est très épineux et qu'il existe un réel conflit entre ce qui est imposé par l'esprit, ce qui est dicté par l'émotion et ce qui est poussé par la motivation humaine. Il est probable que les raisons qui poussent les mendiants à quémander différemment de l’un à l’autre, tout comme ce que l'on ne sait pas est peut-être plus grand que ce que l'on sait. Présenter tout cela avec tous les points de vue qui l'accompagnent nécessite beaucoup de matériel et d’études, éventuellement contradictoires. Merci donc d’entendre ce petit dossier qui aura tenté d’éclairer un phénomène devenu très prévalant en ce pays comme une opinion parmi d’autres. Certains mendiants travaillent à exploiter le désir de ceux qui veulent les aider pour se rapprocher de Dieu et obtenir une récompense. Entre l’affiche de nos afflictions – que nous pouvons simuler – et celle de la variablement réelle pauvreté le long des rues et devant les boutiques, il reste beaucoup de questions en suspens. Elles demeureront sans réponse définitive, tant qu'on ne connaîtra pas les véritables raisons de ce phénomène, que persévèreront ceux qui s’y abîment et que sombrera avec eux notre société irrésolue à y mettre fin.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service Études et Développement
Établissement portuaire de la Baie du repos (Nouadhibou)