Comme on le dit en hassania c’est une question de "Minerai"….
J’aurais certainement pu saisir l’occasion de me taire comme beaucoup malheureusement le font mais c’est à force d’adopter ce comportement face aux questions qui comptent que l’on pousse de plus en plus vers l’abîme. Alors je me fends de ces quelques mots qui, je l’espère, rappellent combien nous sommes nombreux à nous dresser contre ce qui ou ceux qui s’aventurent à briser le rêve d’une Mauritanie unie.
Nous vivons en réalité une situation de mal-être général qui perdure et inquiète depuis assez longtemps déjà d’autant plus que certains ne la perçoivent pas...pire ils la minimisent. Il est ahurissant et révoltant de constater combien ils ont la vision et le bon sens sélectifs. Il ne s’agit surtout pas des manifestations ni des écarts qu’elles peuvent engendrer de part et d’autre, c’est un sport universel aujourd’hui malheureusement. Qu’elles soient pacifiques est évidemment l’idéal et la preuve de la pratique responsable du droit du citoyen. Et même dans ce cas, ici, à une ou deux manifestations près elles, sont le plus souvent ramenées au seul groupe ou ethnie. Sauf qu’aujourd’hui, en plus du mal-être, le chapelet des revendications et mécontentements ( à tort ou à raison!) liés aux dernières élections en fait une opportunité inégalée de casser de l’autre chacun selon le sien. C’est mal!
Clivage ethnique
Les fâcheux incidents qui ont coûté la vie à des citoyens dans des conditions pour le moins inexpliquées et dont le dernier est le défunt Oumar Diop (PSA) recommandent à l’autorité de sévir afin que plus jamais cela ne se reproduise.
Que l’on comprenne que manifester pacifiquement est un droit citoyen.
Que l’on sache que détruire des biens publics ou privés est un délit lourdement répréhensible.
Que les communautés nationales comprennent que pour ces questions là, elles doivent manifester ensemble, pacifiquement et que cela ne concerne pas que le groupe ou l’ethnie.
Réprimer la manifestation et "traiter" les manifestants n’est certainement pas la solution et encore moins de ramener tout à l’étranger que le ciel nous envoie à la rescousse, comme par hasard; Que non!
Ce sont, là, des symptômes, des effets dont les causes sont ailleurs avec le mal-être et le mal qui couvent depuis belle lurette car nous arrivons toujours à étouffer les effets et à enrober les causes en les ramenant à ceci ou cela. Le plus souvent en usant du clivage ethnique à nous dresser les uns contre les autres.
Comme une solution de remise à niveau, cette pratique marche à tous les coups d’un côté comme des autres et vous vous surprenez à découvrir qu’elle recrute des têtes que vous pensiez bien montées! Oui! Parce que les extrémismes ( et ils sont nombreux) dans notre pays se nourrissent de cette division et bien que le fossé social et ethnique soit déjà assez profond, ils s’évertuent au quotidien à le creuser davantage chacun depuis son extrémité (Arabo-berbère et négro-africaine).
Comme pour compléter le schéma, il y a au centre de notre composition ethnique, entre les extrémités (extrémismes), cette grande majorité multiethnique coupable d’un silence destructeur. Et sa culpabilité est d’autant plus grande qu’elle est toujours dans l’attente d’une solution miracle et d’ici là comme sur le conseil d’un "Vauban", elle se limite à entretenir et à protéger son pré carré. Qu’ils se détrompent, le silence et la fuite sont mauvais conseillers et l’absence est leur pire allié.
Je suis un arabe, un maure, un Nar, un Sragha, un Tchapatou (Tchaptel) et j’en suis fier mais je le suis autant d'être aussi un Ba, un Bal, un Baro, un Camara, un Coulibaly, un Dia, un Diagana, un Diallo, un Diawara, un Dembelé, un Dieng, un Gandega, un Gueye, un Guisset, un Kane, un Koita, un Lam, un Ly, un Sakho, un Sall, un Sarr, un Sidibe, un Soumaré, un Sy, un Thiam, un Wane et bien d’autres. Ils ne sont pas cités de manière fortuite; non! Je les connais tous!
Silence coupable
Pourquoi!? Parce que ce sont les noms avec les miens qui ont bercé mon enfance, parce que ce sont mes amis, mes frères, mes familles, mes voisins. Parce que je suis Mauritanien et que c'est ce mix, qu'on le veuille ou non, qui fait la différence avec les autres maures, ceux d'ailleurs et les autres ethnies d'ailleurs elles aussi! Je suis "frère de lait" de certains BA ( n'en déplaise aux Kane) pour rappeler la promiscuité et la fraternité du voisinage dans lequel ma génération a grandi! C’est cette Mauritanie là qui fait défaut aujourd’hui. Je n’en veux pas à ceux qui ne l’ont pas connue mais plutôt à ceux-là qui l’on vécue et qui ont raté l’occasion de la défendre et d’en passer le témoin à leurs enfants, retranchés qu’ils le sont dans ce silence coupable. Un silence nous offrant aujourd’hui cette Mauritanie des cloisons que l’on retrouve dans les quartiers à présent et jusque dans les écoles; la Mauritanie des parallèles! Ceux qui ont vécu le choc des anniversaires unicolores de leurs enfants savent de quoi je parle! Quand je pense au choc perçu chez un ami (Maure) haut fonctionnaire qui a grandi aux blocs, je remercie au passage mes enfants, Alhamdoulilah qui m’ont évité ça; c’est aussi une Responsabilité des parents de s’assurer que leurs enfants sont dans la culture Benetton (UC).
Les Pères Fondateurs de la Mauritanie qui ont rêvé une nation s’y sont pris VOLONTAIREMENT en faisant le choix de n’être ni du Nord ni du Sud mais les deux à la fois pour une Mauritanie multiculturelle. Ils ont fait le choix de cette dune au milieu de nulle part " contre vents et marées". Certains ( plusieurs) avaient une situation déjà confortable, d’autres y étaient préparés; pourtant ils ont tout quitté pour cette épreuve et ce rêve qu’ils avaient toutes ethnies confondues en partage. Beaucoup l’ont refusé et sont allés voir ailleurs. Des familles se sont séparées, des frères aussi! La Mauritanie a pourtant émergé de cette dune. La République Islamique de Mauritanie, à la faveur d’un parcours du combattant.
Ce qui se passe aujourd’hui et le constat qui s’en suit sont alarmants et remettent en cause la cohésion sociale et son corollaire " le vivre-ensemble".
Ce fameux "vivre-ensemble" auquel on oublie de donner du contenu notamment par l’effort et la volonté communément exprimés par ceux qui y aspirent dans leur diversité, leur richesse. Je crois personnellement qu’à ce niveau, les questions de majorité ou opposition ne devraient pas entrer en ligne de compte si elles sont limitantes au dessein.
Cela devrait normalement procéder d’un élan mutuel vers ce qui rassemble en faisant l’effort de régler tout ce qui s’y oppose. Cela suppose des efforts et des sacrifices. Mais est-ce que ce vivre-ensemble n’en vaut pas la peine?
Pour ma part, je reste convaincu que l’école publique est certainement le premier pas vers l’objectif. Mais encore faudrait-il la penser dans le respect du vivre-ensemble. Notre pays est multiculturel et c’est là son point fort et sa richesse, sa diversité.
Mohamed Mahmoud Ba Ould Ne