Depuis la fin de l’année 2022, la Force Conjointe-G5S traverse une période, probablement la plus tumultueuse de son histoire. Avec un bilan plutôt mitigé et le retrait du Mali du G5, les choses ne semblent pas s’arranger pour l’instrument de la lutte contre le terrorisme des pays du G5 Sahel. Pour émerger de l’œil du cyclone, les pays du G5 doivent chercher une nouvelle stratégie et prendre des décisions pressantes et urgentes.
Un bilan plutôt maigre
Dès sa conception, avec les divergences internes de ses membres, l’absence de concepts opérationnels, un financement qui tarde à venir et le refus de l’octroi d’un mandat international par la communauté internationale, la FC-G5S ne promettait pas des résultats probants.
Malgré la montée en puissance de cinq bataillons, un pour chaque pays membre, la FC-G5S n’a jamais été opérationnelle. Le choix de la stratégie des fuseaux qui n’a pas fait l’unanimité des membres a eu pour conséquence de voir ces bataillons cantonnés dans les frontières respectives de leurs pays, sans jamais participer à des opérations combinées, alors qu’une lutte efficiente contre le terrorisme au Sahel nécessitait la mise en oeuvre de formations panachées agissant dans un cadre transnational ou du moins la planification d’opérations conjointes. Les résultats des rares opérations est resté très maigre aux yeux de la communauté internationale.
Cette stratégie attentiste, privilégiant les actions plutôt statiques, a laissé les coudées franches aux djihadistes qui ont réussi à perforer le dispositif de défense de la FC-G5S en direction du Sud et se sont déployés en profondeur pour se retrouver sur la deuxième ligne aux portes des pays de la CEDEAO, hors du champ d’action de la FC-G5S, réduisant ainsi drastiquement la profondeur stratégique de la lutte contre le terrorisme.
La rupture du dispositif
Avec le retrait du Mali de toutes les instances du G5, la FC-G5S se retrouve face à un défi sans précédent qui constitue un coup dur pour la lutte contre le terrorisme au Sahel.
Considérant sa position géographique, le Mali est le pivot central de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Son retrait de la FC-G5S a provoqué une rupture totale aussi bien physique que tactique de la cohésion de la stratégie de lutte que les pays du G5 Sahel ont peiné à mettre en place pour faire face au péril djihadiste dans la région. En outre ce retrait inattendu, paralysant les activités du fuseau Ouest et isolant momentanément la Mauritanie du reste des pays de la FC-G5S, a réduit à néant l’un des piliers fondamentaux de la coordination des actions des unités opérationnelles, à savoir le droit de poursuite de 50 kilomètres au-delà des frontières respectives, indispensable à la continuité des actions tactiques engagées.
Considérant l’importance de l’enjeu, les pays du G5 ne semblent pas se résigner et tentent de convaincre le Mali de reprendre sa place dans le dispositif du G5, en confiant cette mission impossible au président mauritanien Mohamed Ould Cheikh Ghazouani qui dispose d’importants préalables dont les gages d’une fraternité séculaire pour ramener son ami à reconsidérer sa décision. En effet, malgré la tourmente la Mauritanie a continué à entretenir de très bonnes relations avec son voisin de l’Est, refusant de suivre l’embargo décrété par l’UA et la CEDEAO et le désenclavant avec grandement ouvert l’accès au port de Nouakchott.
Malgré ces dispositions très favorables, le Président Ghazouani devra compter sur des facteurs défavorables à son intercession dont le plus important est le préalable pour Bamako de l’exercice de la présidence du G5 Sahel auquel il faut ajouter la donne de la présence russe au Mali qui contrebalance le soutien de l’occident et qui conforte les militaires maliens dans l’idée que c’est plutôt le G5 qui a désormais besoin du Mali. En outre, le Mali ne semble pas être le seul pays peu enclin à rester dans les rangs du G5. Il faut rappeler qu’au sommet de Ndjamena du 20 Février 2023, le Président du Burkina Faso s’est fait remplacer par le Ministre en charge de la Défense, un signe qui n’augure de rien de bon et qui laisse libre cours aux supputations sur un éventuel retrait du Burkina de la FC-G5S.
La lutte contre le terrorisme au Sahel est l’affaire des armées nationales
Jusqu’ici, les pays du G5 Sahel sont restés étroitement dépendants des financements et du soutien des pays de l’Union Européenne dans la perspective de l’attente d’une prise en compte de la FC-G5S par les Nations Unies. Il est temps pour les pays du G5 Sahel de se rendre à l’évidence. Malgré leurs demandes pressantes et répétées avec le soutien de l’ONU pour l’admission de la FC-G5S au chapitre VII de la Charte des Nations Unies et de l’octroi à la Minusma d’un mandat offensif, la réponse de l’ONU est restée immuable: “la lutte contre le terrorisme est un combat qui doit être portée par les armées nationales, elle ne rentre pas dans le cadre des missions de l’ONU”.
Toutes les mesures dilatoires utilisées jusqu’à ce jour n’ont fait que contribuer à l’accélération de la dégradation de la sécurité au Sahel. Il est désormais on ne peut plus clair qu’il revient aux pays du Sahel de s’atteler et sans plus tarder à s’investir avec leurs propres moyens pour assurer leur sécurité.
A la recherche d’une nouvelle stratégie
Le retour du Mali à sa place dans le dispositif de l’organisation est certes indispensable, mais le contraire peut amener à l’apparition d’une nouvelle architecture sécuritaire qui dictera sans doute à toutes les parties en présence de repenser leurs partenariats stratégiques et leurs stratégies sécuritaires.
Lors de la réunion des ministres de la Défense et des Chefs d’Etats-majors tenue à Niamey en septembre dernier, le constat était clair : la FC-G5S fait face à un « problème de cohésion et d’unité d’action mises à mal depuis le retrait du Mali »qui nécessite « d’adopter de nouvelles stratégies pour lutter efficacement contre les groupes armés terroristes dans l’espace commun » selon le communiqué final de la réunion.
En somme, avec le retrait du Mali, plus que jamais confiant avec la présence des russes qui ne prête à aucun optimisme quant à son retour à un retour éventuel au G5 Sahel et le bilan plus que mitigé de cinq ans d’existence, la FC-G5S se doit de sortir de l’inertie opérationnelle dans laquelle elle semblait se complaire depuis une demie décennie et se focaliser plutôt sur les voies et moyens de recadrer son action et de repenser sa stratégie.