Pour la première fois depuis l’avènement de la démocratie, sur pression de la France et sous le contrôle de nos vaillants militaires, les Mauritaniens se sont rendus aux urnes dans un climat politique apaisé. Près de vingt-cinq partis se sont lancés dans un scrutin à valeur de test pour le président de la République, quatre années après son élection et donc à un an de la fin de son mandat. Il doit être déçu par au moins un point : la façon avec laquelle « son » parti a géré les candidatures, selon des critères que personne n’est arrivé à expliquer. Et le résultat de l’improvisation ne s’est pas fait attendre. Si l’INSAF est assuré d’obtenir une majorité confortable à l’Assemblée nationale, le « parti du pouvoir » aura quand beaucoup souffert. Plusieurs de ses bastions au Nord et à l’Est, jadis imprenables, sont tombés en d’autres mains. Témoignages[p1] , s’il était besoin, de la prise de conscience des populations qui n’acceptent plus d’être conduites comme moutons de Panurge à l’abattoir électoral, sans qu’elles aient leur mot à dire. Bassiknou, Tamchekett, Guérou, Kiffa, Atar, Nouadhibou, Aoujeft, Ouadane, Bir Moghreïn, la liste est longue des villes qui ont vomi ceux qui leur ont été imposés sans qu’on leur demande leurs avis. Un vote-sanction comme on n’en voit pas souvent sous nos cieux. Mais, à quelques mois de la présidentielle, le Raïs a encore le temps de rectifier le tir. Les présentes élections devraient lui servir de vide-grenier, en mettant à la porte ceux qui ne lui apportent rien, ceux qui se sont mouillés lors de la décennie azizienne et qui tentent de se refaire une virginité, ceux qui brillent par leur incompétence et, enfin, restructurer son parti, en privilégiant les politiques sur les technocrates. « En politique, toute faute est un crime », disait Eugène Chatelain. Pas chez nous, en tout cas : sinon, les prisons seraient déjà gorgées de monde.
Ahmed ould Cheikh