Après une longue attente, le parti du pouvoir a enfin publié, ce week-end, les listes nationale mixte, nationale femmes et nationale jeunes. L’accouchement aura été très long. Visiblement, les responsables ont cherché à aplanir la contestation consécutive aux choix fortement contestés des candidats à la députation. Des clameurs s’étaient élevées de presque partout dans le pays, dressant au grand jour des vagues de mécontentements. Le parti a-t-il réussi à amortir le choc de la première étape ? Rien n’est moins sûr. On espère que les listes nationales servent en quelque sorte à rétablir les « équilibres » et effacer les frustrations. Une session de rattrapage, en somme…
En attendant d’y revenir plus longuement, on retrouve déjà dans ces listes les fameux « dosages » qui n’ont cessé de caractériser les choix des représentants du peuple au Parlement : une grosse dose de maures et une pincée de blacks (haratines et négromauritaniens), un panachage qui date de belle lurette et continue à satisfaire et/ou frustrer. Fait plus marquant, l’emprise toujours maintenue des militaires à la retraite. À l’instar du général Mohamed Meguet placé à la tête de la liste nationale, confortant ainsi la règle établie par les vareuses aux nombreuses poches. Spécialiste en renseignements, l’homme mordit à la politique lors ses fonctions à la tête de la Sûreté nationale puis de l’état-major général des armées. Son bureau était très visité par les acteurs politiques de presque toutes les régions et communautés. Qui pour des promotions et diverses interventions, qui pour des soucis du quotidien. Depuis quelques mois, il s’était beaucoup investi dans sa wilaya du Brakna où ses partisans ont fondé une initiative appelée « Al Bacha’ir», c’est-à-dire les porteurs de la bonne nouvelle. Celle-ci est peut-être tombée hier soir avec la désignation de leur leader à la tête de la liste nationale d’INSAF. Le général s’était appliqué à bien mailler la région et son groupe avait proposé beaucoup de candidats à la candidature. Sa désignation contribuera-t-elle à ramener un plus de sérénité dans les troupes ? Il est encore trop tôt pour tenter de répondre à la question.
Dosages
Depuis sa retraite, cet officier respecté et considéré comme un des piliers du système, des rumeurs l’annonçaient au perchoir, son nom avait été cité en potentiel président de l’UPR. Une offre qu’il aurait déclinée, croit-on savoir. Il y a quelques jours, d’autres rumeurs projetaient l’actuel Premier ministre en tête de la liste nationale mixte. Les partisans du dosage estimaient que ce poste devait revenir aux Haratines, les Négro-mauritaniens ayant perdu leurs places au Sénat et à l’Assemblée nationale. On se souvient ici de la furie d’Ould Abdel Aziz contre les sénateurs, rasant le Sénat et refusant de trouver un lot de consolation à cette communauté. Son successeur n’a pas accepté – en tout cas à ce jour – de réparer ce préjudice. Mais, bref, un ange passe… Passons derrière lui !
Toujours au chapitre des rumeurs, le nom du président sortant de l’Assemblée nationale sortant, Cheikh Baya, circulait avec force dans les salons de Nouakchott. Cet officier qui dirigea avec diligence le Parlement s’y sera illustré par sa discrétion et une générosité sans pareille ni publicité. Le volet social et égards envers les collaborateurs, proches ou éloignés, que nombre de nos dirigeants et responsables négligent ou tout simplement ignorent, sont les marques de fabrique de Cheikh Baya qui ne se sera jamais embarrassé pour dire ce qu’il pense. Il semble en tout cas préférer retrouver ses campements en son Tiris natal pour couler, loin des salons dorés, sa retraite dans le silence du désert. Son discours clôturant la dernière session de l’Assemblée nationale aura fortement marqué les esprits et de ses collègues mais aussi beaucoup d’autres mauritaniens. Il a dit avoir appris à les connaître et quitte le perchoir sans rancune ni amertume. C’est à tout son honneur.
Pour en revenir sur le choix d’Ould Meguet, les observateurs croient le savoir venu pour prouver ou confirmer, d’une certaine façon, combien la troupe INSAF a besoin, en cette période délicate – présidentielle à l’horizon immédiat… –d’un homme fort et consensuel afin de mettre de l’ordre dans la troupe. Les civils ont à apprendre, à leurs dépens, qu’il s’agit toujours de marquer le pas. Or ils sont clairement indexés dans la vague de mécontentements suscités dans les rangs du parti lors du choix des candidats aux régionales et municipales.
Autre fait marquant, l’entrée fracassante de l’ex-députée de Tawassoul, Sadany Khaïtour. Pour avoir ouvertement critiqué Ould Dedew, l’éminence grise du parti islamiste, cette jeune dame très virulente contre le gouvernement avait été exclue de son parti. Et s’était depuis murée dans un silence troublant. On l’attendait ailleurs mais elle n’a visiblement pas échappé aux tentations du pouvoir dont les radars ont réussi à la rediriger. La stratégie du pouvoir étant de récupérer et recaser tous les transfuges de Tawassoul, elle doit avoir négocié sa position de N°2 sur la liste nationale. On note par ailleurs la promotion de la docteure Vatimétou Habib. Cette gynécologue de formation était coordinatrice du projet PRAO-Mauritanie clôturé fin 2022. Originaire du Tagant, elle a fait ses humanités en politique à Sebkha.
Dalay Lam