Depuis la naissance de l’État mauritanien donc, la présence de la langue française était celle d’une hégémonie totale, si marquée, ostentatoire, exclusive et envahissante qu’elle a fini par constituer le vrai « problème » de la Mauritanie naissante. Le nœud gordien de tous nos problèmes… Aussi bien dans notre unité nationale et notre progrès que dans notre développement futur, hautement handicapé et hypothéqué par cette dictature linguistique. Et au lieu de constituer ce qu’on va, plus tard et trop pernicieusement, appeler « langue de travail » ou parfois « langue d’ouverture », la langue française en Mauritanie s’est transformée en sujet et matière de débat très passionné, houleux, pas cordial du tout ; car souvent très politisé, c’est-à-dire miné à dessein par des protagonistes sur la scène politique, exploitant chacun la problématique de cette domination pour servir sa thèse, son idéologie et ses orientations.
Notre langue officielle, l’arabe, s’en est ainsi profondément ressentie, à telle enseigne qu’on en est arrivé à la traiter de langue « arriérée », langue des « sales arabisants » ou encore des « ignorants bédouins » ; Et, durant les premières décennies de l’après indépendance, disons jusqu’aux années 90 du siècle dernier – c’est-à-dire : jusqu’à tout récemment – seule la langue française était admise au sein de l’élite éclairée, cultivée et moderne. Une telle situation a rendu notre relation avec la langue française on ne peut plus conflictuelle, surtout à ce stade où un mauritanien, à diplôme égal et spécialité identique, se trouvait privé de tout travail ou de toute promotion pour le seul péché « grave » d’avoir été formé en langue arabe.
Situation inadmissible
Puis ce fut le temps de la prise de conscience, progressive et grandissante, de l’urgente nécessité de de remédier à une telle situation, de loin anormale et inadmissible. L’État mauritanien commençait timidement à initier des tentatives « d’arabisation » de l’Administration et « d’introduction » de la langue arabe dans l’enseignement public, par le biais de « réformes » et de « réformes contraires », malheureusement souvent si « bâclées » et « idéologisées » qu’elles ne pouvaient pas nous permettre d’accéder au statut d’État indépendant et souverain, fort d’une Administration et d’un Enseignement national construits, de la manière la plus normale au monde, par le medium naturel de sa langue officielle, la langue arabe en l’occurrence.
Faut-il encore ici le rappeler ? Langue maternelle de la majorité du peuple mauritanien, l’arabe est également celle du culte et de l’échange culturel pour la minorité négro-africaine. Aucune raison donc d’user, entre nous, d’une autre langue que celle-là, ou d’accepter la domination ostentatoire, exclusiviste, oppressante et agressive de la langue française. Et si jamais nous nous sentions appelés à un examen approfondi de cette situation, on constatera, ensemble, que notre pays a beaucoup perdu, en termes de temps et de moyens, à cause de la « prédominance » offensante, la « suprématie » fallacieuse et la « priorité » bébête, accordées à la langue française dans notre pays. Il est donc grand temps donc de se démarquer complètement de cette langue « colonisatrice, envahissante, hégémonique et agressive » qui nous a tant coûté, en temps, guéguerres, dispersion de nos efforts, atteinte à notre unité nationale et, surtout, posé d’obstacles à l’appropriation du vrai medium, moyen, support et véhicule des connaissances modernes qu’est la langue anglaise.
En ce sens et sur cet axe d’analyse, j’attire l’attention de mes concitoyens, tous et sans exception, que si langue d’ouverture ou de travail devrait-on avoir, ce ne peut et ne doit être que l’anglais. Et je leur fais remarquer aussi que l’appropriation et la maîtrise de la langue anglaise par notre jeunesse forment, de nos jours, un enjeu stratégique du plus haut degré pour notre pays. Ce n’est pas seulement un choix « parmi d’autres », comme veulent nous le faire accroire les francophones prônant ce qu’ils appellent « le multilinguisme ». Non, c’est une « nécessité stratégique », dictée par la place qu’occupe la langue anglaise dans l’acquisition des connaissances modernes et la maîtrise des nouvelles technologies.
Les armes du « multilinguisme » et de « l’ouverture sur toutes les cultures » que brandissent malicieusement les francophones n’est qu’un rempart derrière lequel ils se cachent pour éterniser la présence et la domination du français dans notre pays. Mais cela ne marche plus et tout le monde a pris conscience aujourd’hui que pour la Mauritanie – comme d’ailleurs pour tous les pays en voie de développement – la langue anglaise s’impose en impératif stratégique, conditionnant tout progrès, développement, et accès aux technologies modernes. J’invite donc nos gouvernants à y penser sérieusement et à se rendre à l’évidence : nous n’avons plus de temps à perdre à envoyer nos petits ânonner les « abécédaires » de Mamadou et Bineta. En place et lieu de cela, nous devons leur permettre – et le plus vite possible sera le mieux – d’accéder à la langue anglaise qui est devenue, comme je viens de le dire, une arme « stratégique » vitale pour les pays du monde entier ; dont l’acquisition et la maîtrise conditionnent tout progrès.
Une Loi Toubon pour nous
C’est actuellement partout reconnu dans le monde. Pensons juste un instant au Nigéria, à l’Afrique du Sud, au Rwanda, au Kenya, à la Malaisie, à l’Indonésie, au Japon, à la Chine, à Taïwan, à l’Inde, au Brésil, à la Corée du Sud…, pays qui ont très tôt compris l’importance stratégique de la langue anglaise et dont l’appropriation et la maîtrise de cette langue par la jeunesse ont été on ne peut plus payantes et bénéfiques, leur permettant de réaliser des progrès sur tous les plans et en un temps record. Alors, Mauritaniens, qu’attendons-nous pour nous y mettre ? Qu’est-ce qui nous en prive ou nous en empêche ? C’est à notre jeunesse consciente qu’il revient de répondre.
Comme il lui revient également d’exiger, avant tout, une Loi Toubon pour la langue arabe en Mauritanie – langue fédératrice de tous les Mauritaniens ; pour la majorité, par naissance, et pour les autres, par confession – chassant le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée et imposant à tout officiel qui parle au nom de l’État mauritanien de le faire uniquement en arabe.
Comme il revient à la jeunesse sénégalaise d’exiger une loi Toubon pour le wolof au Sénégal (parlée par 80% des Sénégalais, le wolof est la langue la plus répandue chez notre voisin) ; chassant le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée et imposant à tout officiel qui parle au nom de l’État sénégalais, de le faire uniquement en wolof. Comme il revient à la jeunesse malienne d’exiger une loi Toubon pour le bambara au Mali (le bambara est parlé par plus de trois quarts des maliens) ; chassant le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée et imposant à tout officiel qui parle au nom de l’État malien de le faire uniquement en bambara. Comme il revient à la jeunesse ivoirienne d’exiger une loi Toubon pour le malinké, communément appelé dioula, en Côte d’Ivoire, (le malinké est majoritairement parlé par les Ivoiriens) ; chassant le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée et imposant à tout officiel qui parle au nom de l’État Ivoirien de le faire uniquement en malinké.
Vivement donc des lois Toubon à la mauritanienne, à la sénégalaise, à la malienne, à la nigérienne, à l’ivoirienne et… merci bien, la France !
Nouakchott, le 20/03/2023