L’érudit et fondateur des Ecoles Falah, El Hadj Mahmoud Bâ, le guerrier Samba Guéladjegui, le général d’armée FarbaDjéol, la bataille de Sendougou, la « Grotte de l’Hyène », la montagne Hayré Youlndé… Des vestiges riches d’un passé glorieux que le premier festival culturel de Djéol, organisé du 17 au 19 mars 2023, a permis de déterrer.
Le festival de Djéol a vécu, avec la présence effective du président de la République et plusieurs membres du gouvernement dont le ministre de la Culture, les élus de la région du Gorgol et le maire de Djéol.
C’est la première fois que le festival des villes anciennes sort de son circuit traditionnel. Depuis son lancement en 2015, il était entièrement circonscrit aux cités de Chinguitty, Ouadane, Oualata et Tichitt. L’organisation pour la première fois d’un tel évènement dans la Vallée est une manière de « consolider l’unité nationale et la cohésion sociale », selon le ministre de la Culture, artisan du festival.
Le président OuldGhazouani lors de la cérémonie officielle d’ouverture du festival – Crédit Aidara
Le Maire de Djéol lors de la pose de la stelle « Djéol cité historique » – Crédit Aidara
Si Djéol a été une étape comme les autres, à travers les soirées culturelles, les expositions de produits de l’artisanat local et des autres régions du pays, sans compter les conférences et les concours, le festival a permis de découvrir les richesses culturelles et historiques d’une cité connue par son rayonnement religieux et spirituel, mais aussi par ses rois, ses Farba (généraux) et ses Almamy, avec leurs sempiternelles guerres de domination.
El Hadj Mahmoud Ba et les écoles Falah
El Hadj Mahmoud Bâ (1905-1978) est la figure emblématique de Djéol. C’est à partir de ses rues sinueuses qu’il sortira à l’âge de 16 ans pour aller à la conquête du savoir. Il étudia le Coran et les sciences islamiques, fit le pèlerinage à pied en 1924, resta à la Mecque pour parfaire ses connaissances et revint chez lui à Djéol où il créa en 1941 la première école « Falah », avant d’en étendre l’implantation dans plusieurs pays de la religion. Combattu par le colon et les marabouts, il permit à plusieurs centaines de personnes de sortir de l’ignorance, s’opposa à l’esclavage et participa largement à l’expansion de la langue arabe dans sa communauté. Il fut conseiller à la présidence de la République et s’occupa pendant de longues années de l’enseignement dans le pays.
Djéol, un sanctuaire aux fortifications naturelles
Djéol, cité historique au cœur du Fouta, fut le lieu de rudes conflits d’expansion et d’occupation, entre les différentes forces présentes sur les lieux, mais aussi, avec quelques intrusions d’émirats maures avoisinants.
Selon Abou Mamadou Diop, la cinquantaine, chasseur et conteur traditionnel, Djéol accumule un passé historique prestigieux. Ce passé est dominé par les récits presque mythiques du guerrier Samba Guéladjégui, sorte de Robin des Bois du Fouta, dont les exploits ont longtemps nourri une émission matinale de Radio Mauritanie et continuent de bercer la mémoire collective de tout le Fouta dans ses deux rives.
Djéol est essentiellement peuplé de Halpulaar et de Soninké, deux communautés qui vivent depuis des siècles en totale symbiose entre la montagne Wali Souba et la montagne Damé, entre une longue procession de villages, Kadel Bedjou, Kadel Nambéri, MaaliTourel, Toundé Makajam des Nianiabé, et d’autres contrées.
Au Nord de Djéol, se tient la montagne « HayréYoulndé », et son « œil » de vigile. Au Sud, la « Grotte des Perdus », entre Djeumé et le village soninké de Gouri. A l’Est, c’est la « Colline du Prophète », ou « An Nabiu », qui retient dans ses traces picturales ce qui ressemble au pied d’une personne et la patte d’un chameau.
Au Nord-Est, la Grotte des Hyènes, ou « Sudu Fowru », où des dizaines de grottes restent encore visibles même si leurs anciens funestes occupants ont disparu. Il fut aussi le refuge des féticheurs, d’où son autre nom « SuduTuru »
Vue de la grotte des hyènes du côté opposé à la façade – Crédit Aidara
C’est entre la Grotte des Hyènes et la Colline du Prophète que se situe la Colline des Sentinelles, là où les vigiles du colon français surveilleront plus tard les habitants de Djéol.
Vue d’en haut de la cité, sur la colline des Sentinelles – Crédit Aidara
C’est là, entre ces différentes escarpes qui entourent la cité, où se dérouleront les plus célèbres batailles de la cité. Notamment la bataille de Sendougou qui opposa Samba Guéladjégui au FarbaDjolof, sur les dunes blanches bordant la rive droite en face de Djéol, où celle l’ayant opposé à son cousin Konko Bou Moussa.
L’histoire de la brève intrusion de l’émir Sid’AhmedBakar, entre les quatre grands guerriers du Fouta, FarbaDjéol, Pathé Hamath de Aoueïnat, Farba Kaédi et Abdoul Bakar de Dabiyé, marque l’histoire du Fouta. Même si un territoire lui a été octroyé à Namat, entre DjeunéGuiraye, village de pêcheurs et Aoueïnat, il ne put durablement s’installer dans la région et se retirera plus tard.
Cité des érudits
Djéol, c’est surtout la cité du savoir islamique. Avec ses nombreux érudits, comme El Hadj Mahmoud Bâ, les frères Tandia, Alpha HamidouNGaïdé, Alpha Hamady Bâ, Cheikh Abdoulaye et l’érudit maure, Chérif Abdoul Moumine, dont la tombe à Djéol, marque le symbole de son attachement à une terre dont les populations le lui ont bien rendu.
Des dizaines, voire des centaines d’érudits, ont été formées entre les quatre murs de Djéol, caractérisée comme toutes les antiques cités, par ses entrelacs de rues sinueuses et serrées, des concessions ouvertes les unes sur les autres, dans des espaces sans limites où les familles vivent en vases communicants.
Aujourd’hui, Djéol connaît une expansion géographique plus au Nord, là où plusieurs familles se sont installées dans des zones plus spacieuses et loties. C’est le Djéol moderne avec ses villas cossues et son architecture qui tranche avec celle de l’ancienne cité, là où baignent les rives du fleuve, avec ses lavandières et ses piroguiers.
Richesses culturelles
Le festival de Djéol fut l’occasion d’une exhibition culturelle extraordinaire. Les cavaliers aux accoutrements de guerre, fiers sur leur monture, ont été l’objet d’admiration, notamment de la part de l’ambassadeur de l’Union européenne, seul diplomate présent au festival, ainsi que de son épouse.
La course des pirogues, avec le panache des compétiteurs et leur vigueur sur les pagaies, a été l’attraction culturelle qui fut suivie avec délectation par le président Ghazouani, entouré pour l’occasion par le Wali du Gorgol et le ministre de la Culture.
Cheikh Aïdara