Une semaine après leur évasion tragique de la prison centrale de Nouakchott, les quatre djihadistes ont été rattrapés le 11 Mars. Après une fusillade, trois d’entre eux seront tués et le dernier arrêté. C’est du moins ce que nous a appris un communiqué conjoint des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Gros ouf de soulagement ! Les Mauritaniens ne cessaient de s’interroger sur cette traque. Les évadés avaient-ils quitté Nouakchott ? Si oui, comment ? Car les entrées et sorties de la ville étaient visiblement bien filtrées. Enfin, bon, les fugitifs ont été coincés. Avec ce « coup de maître », comme dirait l’autre, les Mauritaniens commencent à y voir un peu plus clair. Mais comment ceux-là avaient-ils pu s’échapper de la prison centrale de Nouakchott, ce bagne pourtant censé l’un des plus sécurisés du pays, dans la mesure où il abrite des jihadistes dangereux, dont plusieurs condamnés à mort et dont l’un n’en était pas à sa première évasion. Comment les fuyards ont-ils réussi à tromper si longtemps la vigilance des forces de sécurité et de défense, toutes sur le qui-vive durant cette semaine ? Vers où se dirigeaient-ils ? Le Sud algérien ou le Nord Mali ? L’enquête le déterminera, comme elle devra établir si et comment ces terroristes entretenaient des connexions internes et/ou externes avec des complices. Où se sont-ils procuré des armes de guerre qui ont hélas fauché trois hommes ? Autant de questions que les Mauritaniens se posent et continueront à se poser dans les bureaux, les salons, les transports publics et privés, les marchés, les rues, les établissements scolaires et universitaires… Chacun cherchant des informations sur cette affaire. Interrogations légitimes, dans la mesure où leur pays est épargné depuis 2011 des attaques, tentatives d’attaques ou infiltrations de terroristes, alors que notre voisin malien et le Burkina Faso en sont victimes avec récurrence, leur gouvernement et leur population perpétuellement sur le qui-vive.
Stratégie payante
La stratégie mauritanienne d’endiguement de cette pandémie qui gangrène le Sahel et se propage jusqu’aux pays du golfe de Guinée est réputée payante et donc productive. Le président de la République s’en félicitait récemment lors d’une interview accordée à la BBC radio. Mais ce fut au lendemain même de cette sortie que les prisonniers de la prison centrale se sont évadés. Coup de semonce ?
Dans un communiqué publié quelques heures après l’évasion, le ministère de l’Intérieur appelait tous les citoyens à la vigilance et à la coopération avec les forces de défense et sécurité afin d’accélérer l’arrestation des dangereux fuyards. L’internet mobile était coupé dans la foulée pour des raisons de sécurité. Puis ce fut le black-out total, alimentant toutes les hypothèses. Les Mauritaniens s’interrogeaient. Le mutisme des autorités faisait écho aux rumeurs sur l’arrestation de tel ou tel fugitif. Qui ? Où ? En quelles circonstances ? Normal, diront certains, l’affaire était très sensible et il convenait de ne pas contrarier le travail des forces de sécurité et de défense engagées dans la traque pour régler cette affaire tombée en pleine précampagne électorale. Tous les acteurs politiques avaient choisi le silence, respectant la « ligne rouge » que constitue tout ce qui touche à celles-là. Tous sauf le RFD qui produisit un communiqué au lendemain de l’évasion. Il aura fallu attendre le jeudi 9 pour entendre, à la du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement affirmer que l’arrestation des fugitifs était une priorité des autorités et que la coupure de l’internet mobile, ce moyen de communication si prisé des Mauritaniens serait levée au bon moment. Mais « c’était quoi, le bon moment ? », se demandaient beaucoup. Il aura fallu attendre le lendemain du tragique dénouement pour en être instruit. Une coupure qui aura en tout cas permis, il faut le reconnaître, aux gens qui ne se parlaient presque plus au sein même des familles, de reprendre langue. Les rapports humains et sociaux souffrent de l’Internet. On en a mesuré le poids durant cette longue semaine.
Cela dit, les Mauritaniens ont applaudi à la réussite des forces de défense et de sécurité dans ce combat contre les terroristes. Ils ont mesuré à sa juste valeur la paix et la quiétude où ils ont la chance de vivre aujourd’hui. On ne dira jamais assez qu’il n’y a pas mieux que ces deux-là. Dormir, se réveiller, se promener, voyager sans craindre de sauter sur une mine ou de se faire faucher par une balle, s’adonner tranquillement à ses activités et faire chauffer la marmite. Ce n’est certes pas évident de le pouvoir tous les jours mais cela reste du moins toujours possible quand la paix et la quiétude règnent autour de nous…
Dalay Lam