Pourquoi la Mauritanie avait-elle établi, au milieu des années 1990, des relations diplomatiques avec Israël? Et, pourquoi ses relations ont été rompues en 2009? Voilà des questions brûlantes et intrigantes, qui ont été longuement soulevées par le passé, aussi bien en Mauritanie, qu’à travers le Monde arabe et ailleurs. Il s’agit là d’un thème de réflexion à la lisière entre diplomatie, Histoire et tabou, qui demeure encore pertinent de nos jours, ne serait-ce que pour mieux comprendre un tel acte qui a été hautement politique en son temps ou encore, pour tourner une page controversée de l’histoire de la diplomatie mauritanienne contemporaine tout en tirant de bonnes leçons.
Dans son ouvrage de Mémoires intitulé «Regard sur 34 ans de Diplomatie Mauritanienne», Ahmed Ould Teguedi, «le Diplomate du Désert » selon son ami M. Miguel Moratinos, apporte des réponses parachèves à ces interrogations majeures. Il avance, dans un style passionnant et détaché, une grille différente de lecture des faits, qui sort de la logique des schémas simplistes, des impressions d’infantilisation et de culpabilisation et des idées reçues sur ce sujet huileux.
Au terme d’une lecture saisissante de cet ouvrage, on ne peut jamais, vraiment comprendre comment le destin de ce diplomate chevronné, l’avait étrangement placé d’abord, pour être acteur agissant dans l’enchevêtrement des évènements et des faits de l’action diplomatique pour faire monter la charpente des relations mauritaniennes avec Israël, puis, comme observateur et narrateur averti, pour éclairer enfin, cette période invraisemblable de la diplomatie mauritanienne en matière de gestion de la politique extérieure du pays sous le régime de l’ex Président Maaouiya Ould Taya (1984-2005).
Maaouiya, Yasser Arafat et Israël :
Un jour de février 1995, un jeune conseiller à l’Ambassade de la Mauritanie au Maroc, a été contacté par l’Ambassade d’Espagne à Rabat pour lui transmettre un message très urgent de la part d’un pays tiers. «L’État d’Israël veut établir des contacts avec le gouvernement mauritanien comme avec d’autres gouvernements arabes, notamment celui du Maroc, et souhaite obtenir une réponse officielle de la Mauritanie ». A partir de cet instant, Ahmed Ould Teguedi, qui avait fini par passer une douzaine d’années en Israël, relate dans ces Mémoires, toutes les péripéties des rapports entre la Mauritanie et Israël depuis le début jusqu’à la fin de l’épisode en 2009.
Né en 1954 à Chinguetti en Mauritanie, Ahmed Ould Teguedi a fait un parcours de carrière hors du commun, non seulement par sa densité mais aussi, par la singularité de ses évènements. Cet ouvrage est un témoignage sur sa carrière diplomatique dans toutes ses étapes, durant plus de 30 ans.
De Chinguitti à New York, en passant par Nouakchott, Washington, Le Caire, Sanaa, Rabat et Tel-Aviv, l’auteur de ces Mémoires raconte le récit passionnant de ses souvenirs marqués par des faits historiques majeurs et des anecdotes pittoresques.
Comme le dit son ami Miguel Ángel Moratinos, «le diplomate du désert est un grand diplomate de carrière. C’est un diplomate sobre, patient, qui sait faire des sacrifices, qui connaît bien sa route, guidé par les étoiles de la nuit saharienne, qui sait où se trouvent les oasis pour reprendre des forces et échanger avec les gens des différentes cultures ».
Cette nouvelle parution, qui est désormais en vente aux librairies à Nouakchott, s’est distinguée par trois témoignages inédits qui ont été apportés à l’ouvrage, par d’illustres personnalités de ce Monde , qui ont connu et/ou côtoyé l’auteur durant des périodes différentes de sa carrière professionnelle en tant qu’Ambassadeur puis Ministre des affaires étrangères.
«Le Diplomate du Désert» :
Il s’agit d’abord de M. Miguel Ángel Moratinos, ancien ambassadeur d’Espagne en Israël, ancien Représentant spécial de l’Union européenne pour le Moyen-Orient et, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères. Actuellement, Secrétaire général adjoint des Nations unies et Haut-Représentant pour l’Alliance des civilisations, qui a bien voulu rédiger la préface de ce livre sous un titre révélateur «Ahmed Ould Teguedi : le Diplomate du Désert». En effet, M. Moratinos, pense que « les rapports d’Ahmed Teguedi avec sa ville natale Chinguetti ont été toujours présents dans son travail comme diplomate. Chinguetti est une des villes historiques, centre du commerce caravanier transsaharien, entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire, mais surtout la plus grande métropole culturelle de la région depuis le XVIe siècle ».
Moratinos soulève la subtilité de l’auteur avec sa ville natale Chinguetti. «C’est dans cette ville que notre ami Ahmed Teguedi avait appris les grands principes de sa carrière comme diplomate du désert. Oui, Ahmed Teguedi est une référence de ce qu’on pourrait nommer une «diplomatie de caravane ». C’est un diplomate sobre, patient, qui sait faire des sacrifices, qui connaît sa route, guidé par les étoiles de la nuit saharienne, qui sait où se trouvent les oasis pour reprendre des forces et échanger avec les gens des différentes cultures, en définitive un diplomate qui poursuit sa longue marche avec détermination et sens du sacrifice. Toutes ces expériences ont permis à Ahmed Teguedi de réaliser un parcours diplomatique extraordinaire et de placer la Mauritanie dans le concert des nations».
Le père du peacekipping mauritanien :
Quant au Général de corps d’armée Babacar Gaye (Sénégal), qui a été conseiller militaire du Secrétaire général des Nations unies, celui-ci rapporte que «la remarquable action du diplomate Ahmed Ould Teguedi a été à l’origine de l’entrée de son pays dans le système onusien de maintien de la paix » et, que «grâce à son dynamisme, à son dévouement et à l’écoute dont il bénéficiait auprès des hautes autorités onusiennes que des officiers mauritaniens, déployés en avril 2012 au sein de la Mission de supervision des Nations Unies en Syrie, ont été les premiers à porter le béret bleu de l’ONU ».
Jérusalem, Teguedi et Jacques Chirac:
Enfin, le Colonel Peer de Jong (France), Vice-président de l’Institut Themiis à Paris, se souvient de sa découverte de l’Ambassadeur Ould Teguedi un jour à Jérusalem. «Nous étions dans le cadre de la visite du Président Jacques Chirac en Israël, lors du diner offert par le Président israélien M. Ezzer Weismann, je suis l’aide de camp du Président français donc proche : « Monsieur le Président, accepteriez-vous de rencontrer l’ambassadeur Ahmed Teguedi, Représentant de la République islamique de Mauritanie ? La question m’est venue naturellement. Jacques Chirac connait mon atavisme mauritanien. Il accepte. Je lui présente Ahmed Teguedi, encore jeune diplomate, qui se lance dans un brillant entretien impromptu ».
Ensuite, dit-il «notre amitié s’est renforcée quelques années plus tard alors que la Mauritanie frappait à la porte des contributions militaires au sein des opérations de maintien de la paix. Ahmed Teguedi est ambassadeur, Représentant permanent de Mauritanie auprès des Nations unies à New-York. Formidable opportunité. Ma société est en appui technique d’une volonté politique. Très rapidement grâce à l’entregent d’Ahmed Teguedi, la Mauritanie est désignée pour une première participation d’une unité de la Garde nationale, à l’ONUCI en Côte d’Ivoire. La réussite incontestée de cette mission qui durera plusieurs années, consacrera le pays comme acteur des opérations de paix. La Mauritanie sera ainsi désignée l’année suivante pour projeter un bataillon d’infanterie et deux unités de police à la MINUSCA en République centrafricaine. Le pays est aujourd’hui un acteur reconnu et important à New-York ».
Le Colonel Peer de Jong conclut son témoignage en constatant que «la nomination d’Ahmed ould Teguedi comme Ministre des Affaires étrangères quelques mois plus tard, consacrera un parcours hors pair et, lui donnera l’occasion d’être un acteur central dans la montée en puissance du G5 Sahel. Cela sera l’occasion pour moi, une fois de plus, d’œuvrer à ses côtés et de prendre conscience de la finesse de l’esprit politique d’Ahmed Teguedi. Doté d’une formidable vision et d’une expérience exceptionnelle de diplomate, Ahmed Teguedi, diplomate hors normes, n’a cessé de positionner son pays aux avant-postes de la diplomatie mondiale».
Dans son intégralité, l’ouvrage est un témoignage inédit de l'ère diplomatique contemporaine dans ses dimensions mauritaniennes, régionales et internationales. Il soulève et traite sans tabous, de nombreuses questions et sujets dans un style noble et flegmatique. L’ouvrage est d’autant plus intéressant compte tenu de l'intensité et de la gravité des événements que de la profondeur de leurs effets et impacts diplomatiques, politiques et économiques (Invasion du Koweït, Première guerre du Golfe, Relations entre la Mauritanie et Israël, évolution et réussites de la diplomatie mauritanienne, rapports avec le Président Maaouiya, etc.).
«Regard sur 34 ans de Diplomatie Mauritanienne», d’Ahmed Ould Teguedi, est aussi un ouvrage divertissant, et même parfois amusant, notamment à travers les nombreuses blagues et taquineries spontanées, disséminées à travers les pans d’un récit séduisant.
La version en arabe de l’ouvrage est en route pour l’édition.
Mohamed Saleck Ould Brahim,
Diplomate, Consultant international