Le Calame : La CENI vient de rendre public le chronogramme des prochaines élections locales. Qu’en pense le syndicaliste et acteur de la société civile que vous êtes ?
Abdallahi Mohamed : Le calendrier proposé me semble ne pas être conforme à la constitution et aux lois de la République.
Il me semble également être très condensé pour assurer une bonne mise en œuvre du chronogramme.
La période de chaleur très élevée risque d'être un facteur au détriment d'une forte participation.
-La société civile a été, semble-t-il, oubliée des concertations politiques entre le Ministre de l’intérieur et les partis politiques qui ont abouti à un accord cadre dont la mise en œuvre a démarré avec la composition de la CENI. Que pensez-vous du contenu de cet accord ? Constitue-t-il une garantie pour des élections inclusives, crédibles et transparentes ?
- L'aspect strictement politique au sens partisan du terme ne peut concerner la société civile mais la question de la CENI devait voir l'implication de cette société civile qui théoriquement neutre était la mieux indiquée pour constituer son ossature. D'autant plus que le pays a besoin de mettre un terme aux éternelles crises politiques que suscitent les élections politiques chez nous.
La configuration de la nouvelle CENI semble être plus un petit parlement politique désigné, ce qui laisse planer un sérieux risque de contestation préélectorale et donc la perpétuation des cycles de contestation et de crise politique qui engendre la crispation de la vie publique.
-Depuis quelque temps, on observe des tentatives au sein de l’opposition pour nouer des alliances ou des fronts. Les partis de l’opposition auraient-ils mesuré le danger d’aller à des élections en rang dispersé ? Devrait-elle s’inspirer de l’opposition sénégalaise qui a réussi, grâce à des alliances et coalitions à mettre en difficultés le parti au pouvoir ?
-Sur la question des alliances, je ne peux me permettre d'être dans une position de donneur de leçon. Ce que je pense personnellement est que les organisations politiques ou syndicales sont porteuses de projets de société et que toute alliance doit tenir compte de la nature du projet de société.
Par exemple je vois mal une alliance électorale entre une formation qui se réclame de la gauche (forte intervention de l'Etat dans l'économie) et une autre qui propose un projet ultra libéral (moins d'Etat).
Je pense que l'un des problèmes majeurs de ce pays c’est que toute personne peut s'autoproclamer leader politique sans aucune maîtrise des a b c des règles de cet art.
-L’accord entre les partis et le ministère de l’intérieur prévoit l’élargissement de la proportionnelle. Une chance ou un danger pour l’opposition ?
-je ne suis pas en droit de juger ce qui est bon ou pas pour l'opposition car je ne dispose d'aucun statut qui me confère cela. Ceci dit, je rappelle que la proportionnelle favorise généralement les plus faibles.
-Quelle appréciation vous faites du discours à la Nation du président de la République, a l'occasion de la fête de l'indépendance, le 28 novembre dernier?
- Ce qui a retenu plus l'attention de l'opinion publique, ce sont les mesures relatives aux salaires.
Il faut signaler que le format fait partie d'un héritage qui relève de la période putschiste.
Pour les fonctionnaires, le statut général de la fonction publique stipule que toute modification des salaires des fonctionnaires doit être soumise à l'avis du conseil Supérieur de la fonction publique, ce qui n'a été le cas comme pour toutes les augmentations que le secteur a subies depuis toutes les dernières décennies.
Pour le Smig, il est vrai qu'il est fixé par décret mais il devrait être précédé d'une négociation entre les partenaires sociaux, ce qui n'a pas été le cas pour la première fois.
Quant à l'augmentation des allocations familiales qui passent de 300 à 500 um anciens, non seulement elle est dérisoire mais elle n'a fait l'objet d'aucune consultation avec les partenaires sociaux.
Il faut rappeler que les allocations familiales qui étaient fixées à 1000cfa au lendemain de l'indépendance du pays représentait une somme importante d'autant plus qu'il y'avait un Etat-providence qui prenait en charge les enfants des travailleurs à l'âge de scolarité.
Il est vrai que durant les années 60 et 70, le syndicat réclamait une uniformisation des allocations familiales entre les travailleurs et les fonctionnaires qui bénéficient de 500 Um en ce temps.
Nous savons tous que l'entretien d'un enfant coûte très cher même s'il fréquente l'école publique.
Le fait de ne pas se concerter avec les partenaires sociaux constitue une attitude de mépris à leur l'égard.
Ici je pense que la part de responsabilité des collaborateurs du président de la République est importante.
Nous devons comprendre que la concertation préalable est extrêmement importante pour la stabilité et la cohésion sociale et comme disent les halpular ‘’si tu veux mettre du miel pour quelqu'un dans la bouche, il faut l'aviser à l'avance pour ne pas te mordre ".
Vous savez que la situation est difficile et toute amélioration qui n'est pas le résultat d'une négociation ne donnera pas le résultat escompté car les populations cibles vont continuer à croire qu'on pourrait faire mieux.
Propos recueillis par Dalay Lam