Trois questions à Hachim Diacko, activiste des droits de l’Homme, membre de Touche Pas à Ma Nationalité (TPMN) et de l’organisation pour l’Officialisation des langues nationales (pulaar, soninké et wolof)

6 December, 2022 - 11:27

Le Calame : Vous avez été arrêté puis relâché lors d’une tentative de marche le 28 novembre. Peut-on savoir ce qu’on vous a reproché ?

Hachim Diacko : Permettez-moi d’abord de remercier Le Calame pour l’intérêt porté aux grandes questions nationales mais également pour sa constance et son objectivité qui en ont fait l’un des rares journaux à avoir réussi à survivre depuis plus de 20 ans dans l’environnement hostile qui est le nôtre. Pour en revenir aux circonstances de mon arrestation en compagnie d’autres camarades, nous n’avions pas l’intention d’organiser une marche mais plutôt un sit-in place de la liberté. La police nous y a précédés et a empêché tout regroupement. Elle nous a obligés à quitter les lieux en nous poussant à coups de matraques. Mais elle ne s’est pas limitée à cela, elle a embarqué quelques-uns d’entre nous pour organisation d’une marche non autorisée et troubles à l’ordre public. Ce qui est évidemment faux puisque nous répondions à un appel à sit-in des veuves et orphelins des années de braise et un sit-in ne requiert pas d’autorisation.

 

 Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez décidé de marcher ou de tenir un sit in le 28 novembre ?

 

Le sit-in que nous voulions tenir devait être organisé en guise de commémoration de la nuit tragique du 27 au 28 novembre 1990, nuit pendant laquelle l’Etat mauritanien a, à Inal, pendu 28 militaires négro-africains pour célébrer le 30ème anniversaire de l’indépendance nationale. Cette nuit tragique est la consécration du génocide perpétré par l’Etat contre la communauté négro-africaine. De fait, le 28 novembre n’est plus depuis le symbole de la fierté de la souveraineté retrouvée mais plutôt celui de la douleur et de la négation d’une partie de notre peuple, la communauté négro-africaine. Il s’agissait pour nous de dire non à l’oubli mais aussi de rappeler, 32 ans après, l’urgence du règlement de cette plaie béante dont les auteurs et les victimes ayant survécu tendent à disparaitre peu à peu.

 

Que pensez-vous des tentatives de règlement du dossier dit passif humanitaire par le président Ghazwani et les associations représentatives des victimes des événements de 1986 -1990 ?

Je pense que pour résoudre un problème, il convient d’abord d’un faire un diagnostic fidèle. Or, l’Etat refuse de mettre les vrais mots sur ce qui s’est passé. Les arrestations massives et arbitraires suivies des déportations encore plus massives et des pogroms organisés un peu partout à travers le pays et qui ont visé des citoyens parce qu’ils appartiennent à la communauté négro-africaine relèvent du crime de génocide. Il faut donc déjà commencer par reconnaitre cela avant toute tentative de règlement. Il faut arrêter de vouloir faire du problème du génocide une vulgaire question de comptabilité à travers la dénomination passif humanitaire et les tentatives de le solder par des compensations financières.

Le règlement de la question doit nécessairement prendre en compte les devoirs de vérité, de mémoire, de justice et de réparation telle que la jurisprudence internationale en la matière nous l’enseigne. Mais au-delà, la question doit être abordée dans le cadre plus global de la nécessité de la redéfinition des termes de la cohabitation entre nos différentes communautés et de l’équidistance de l’Etat vis-à-vis d’elles.

 

Propos recueillis par Dalay Lam