Voilà qu’approche la date fatidique de la mise en place de la nouvelle CENI dont les partis politiques et le ministère de l’Intérieur avaient convenu l’installation fin Octobre au plus tard. Mais les partis – du moins la sous-commission technique chargée de sa composition – peinent depuis des semaines à s’entendre. Pour certains, comme le RFD et l’UFP, elle doit être composée exclusivement de personnalités indépendantes pour préserver sa neutralité et sa crédibilité, à l’image de celle de 2005 sous la transition militaire du CMJD ; pour d’autres, comme Tawassoul, l’APP ou l’AND, la CENI doit être le fruit d’une représentativité politique : seuls les partis politiques doivent y siéger, à l’instar de celle qui vient d’achever son mandat et qui avait été formée suivant les recommandations du dialogue de 2013. N’y siégeaient que les partis qui avaient pris part à celui-ci.
Coopté par le président de la République, son dernier président avait appartenu, il faut le rappeler, au pôle politique des personnalités indépendantes de l’opposition, ce qui n’empêcha pas cette dernière de crier à la fraude et à la complaisance lors de la proclamation des résultats de la présidentielle de 2019. À en croire le professeur Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’UFP, le blocage viendrait de partis de l’opposition qui avaient pourtant accepté le principe d’une CENI constituée de personnalités hors partis politiques. Pour sa part et faute de compromis, le principal parti de la majorité présidentielle préfère que les parties s’en remettent au président de la République.
Pléthore de prétendants
Des analystes situent le fond du problème dans la pléthore de prétendants au regard du petit nombre de postes à attribuer : cinq à l’opposition et six à la majorité. Dans un pays qui compte près de deux cents formations politiques, le choix des représentants au sein de cette structure risque donc fort faire des mécontents. Ces soucis, en particulier du côté de l’opposition, poussent à un compromis. Les partis envisageraient donc de proposer trois noms pour chaque poste du comité directeur ; il reviendra alors au président de la République de n’en retenir qu’un. Mais cette apparente incapacité à préserver son unité de façade voit l’opposition confrontée à un sérieux risque d’échec. Sans coalition ni listes communes, elle s’expose à être terriblement laminée lors des prochaines élections locales.
Rappelons ici que les partis et le ministère de l’Intérieur étaient parvenus à un accord aux forceps pour l’organisation consensuelle et inclusive des élections municipales, législatives et régionales prochaines, en confiant le soin d’en fixer la date à la CENI qui devait être mise en place à cette fin le 31 Octobre au plus tard. À juste une semaine de l’échéance, les discussions se poursuivent et il y a fort à parier que les partis ne parviendront pas à un compromis. L’opposition n’aura alors que ses yeux pour pleurer et faire deuil de la victoire aux prochaines élections. Le gouvernement pourra, lui, se vanter d’avoir œuvré à établir les conditions pour des élections inclusives et crédibles.
L’ancienne CENI ne tardera en tout cas pas à rendre le tablier. Pendant que les discussions s’enlisent, les pronostics vont bon train sur le choix de la personnalité qui aura la faveur de présider la nouvelle. Parmi les noms régulièrement cités, celui de Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, le président de la première CENI. L’homme avait accompli un excellent travail, affiché son indépendance et son intégrité. On parle également de l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Boïlil et de l’ex-PM, Cheikh El Avia ould Mohamed Khouna. Mais personne du côté négro-mauritanien. Étrange, tout de même, pour une communauté qui ne manque certainement pas de cadres compétents et intègres, à l’instar de maître Ball Ahmed Tidjane, ancien ministre de la Justice, messieurs Yall Zakaria et Kane Mahmoud, ancien représentant de l’UA au Sud Soudan, ou encore maître M’Baye Fatimata, une icône dans la lutte pour les droits de l’Homme…
Dalay Lam