Démarrage imminent des concertations politiques : Sans Messaoud ?

2 June, 2022 - 01:12

La préparation du dialogue/concertations se poursuit à petit trot. Alors que diverses sources annonçaient le coup d’envoi dans la dernière semaine de Mai, d’autres restent prudentes. Jeudi 26 Mai au cours d’une conférence de presse, le président de l’UFP, Mohamed Maouloud, s’est contenté d’annoncer un démarrage « imminent », laissant supposer que des discussions se poursuivent encore. Sur deux fronts. Au sein des partis politiques peaufinant leur position sur les thématiques retenues par le comité préparatoire et les listes de leurs représentants, bien sûr. Mais des démarches sont aussi entreprises pour convaincre certains acteurs majeurs de l’arène politique qui traînent encore les pieds.

 

Convaincre Messaoud

Il s’agit principalement du président de l’APP, Messaoud ould Boulkheïr dont l’attentisme agace les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition. Selon des sources proches du leader emblématique haratine, il n’entendrait pas « cautionner des concertations dont il n’est pas certain de sortir avec des solutions consensuelles garanties dans leur mise en œuvre ». L’homme aurait donné sa position, pour ne pas dire posé ses conditions, aussi bien au pouvoir qu’à ses amis de l’opposition. Il souhaite « une implication forte » du président de la République qui semble, dans sa posture actuelle, faire des concertations comme une stricte affaire de partis. Connaissant bien l’arène politique et tous ceux qui y bougent, le président de l’APP craint des conciliabules et des invectives entre les différentes chapelles dont les divergences sur plusieurs questions nationales ne fait l’ombre d’aucun doute. Seule l’implication forte du Raïs pourrait éviter des débats «stériles ». C’est pourquoi, poursuivent nos sources, le président de l’APP n’a pas apprécié la nomination de l’actuel président du comité préparatoire des concertations. Il ferait de son départ une condition pour rejoindre le dialogue. L’information a été vendue, il y a quelques jours, par des visiteurs du soir du président Messaoud, s’indigne un cadre d’APP. « Notre président n’a pas de problème personnel avec le ministre secrétaire général de la Présidence mais pense que la réussite d’un dialogue dont les conclusions doivent rapidement être mises en œuvre pour sortir le pays de sa crise actuelle est un défi que seul le président de la République peut relever ». Et un haut cadre d’APP d’ajouter : « Le président Messaoud estime qu’avec un dialogue réussi, le président Ghazwani pourrait rattraper le temps perdu de son premier mandat et revivifier surtout l’espoir que son élection avait fait naître chez la majorité des Mauritaniens ».

 Enfin, le président Messaoud n’est pas content du refus d’intégrer la Société civile dans le comité préparatoire du dialogue. Une requête qu’il avait formulée bien avant sa formation. Pourtant affirme notre source, « son souhait avait été jugé recevable avant d’être rejeté et ceci constitue un manque de respect à la parole donnée ». Le président d’APP estime que le point de vue de la Société civile en ce genre de conclave est très important, « ses acteurs sont plus proches des citoyens, alors que les acteurs politiques ne vont vers ces derniers qu’à l’occasion des élections ». Bref, Messaoud Boulkheïr reste réticent aux concertations en gestation. Les différents acteurs continuent à le démarcher. En vain pour le moment, ce qui pousse un membre du comité préparatoire à avouer l’existence d’un plan B : un dialogue sans Messaoud Boulkheïr.

 

Rapports dégradés

Les relations entre Ghazwani et Messaoud se sont détériorées depuis quelques mois. Pour exprimer sa déception de la gouvernance du président de la République qu’il avait soutenu lors de la présidentielle de 2019, le président d’APP ne l’a pas ménagé. Au cours d’une conférence de presse tenue par les huit partis politiques de l’opposition, il déclarait que la Mauritanie traversait une crise sans précédent dont seul le dialogue pourrait l’en sortir. Enfonçant le clou, il avertissait : un président de la République qui n’a pas le courage d’affronter les difficultés doit démissionner. Une sortie que n’avait guère apprécié le gouvernement. Celui-ci et l’UPR avaient sitôt réagi en étalant les réalisations du boss. Au lendemain de cette conférence de presse, le pouvoir avait convié des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale à une rencontre au Palais. Le président Messaoud avait décliné l’offre.

 Le pouvoir ne semble pas lui pardonner mais reste convaincu qu’un dialogue sans ce leader haratine aurait un goût d’inachevé. Le président d’APP jouerait-il sur cette corde, lui qui estime que Ghazwani a déçu le grand espoir qu’avait soulevé son élection ? Quelque deux ans et demi après celle-ci, Messaoud ne voit aucune différence entre la gouvernance de Ghazwani et celle de son prédécesseur.

Les détracteurs d’Ould Boulkheïr voient cependant en sa position un mobile moins clair et le suspectent de traîner les pieds pour obtenir une révision de l’article limitant l’âge des candidats à la présidentielle décidée lors d’un des dialogues précédents. Messaoud comme Ould Daddah sont frappés par cet article, ce que l’intéressé rejette catégoriquement. Et pour cause : ce n’est pas une affaire personnelle, c’est une ambition collective et un projet de société qu’un candidat soumet à ses concitoyens. C’est donc dire que cela dépasse la personne du président Messaoud et englobe l’ensemble des patriotes mauritaniens ayant ambition de diriger leur pays. Et, recadre un proche de celui-là, « certains de nos compatriotes ont tendance à oublier qu’il n’est nulle part inscrit qu’un candidat sera forcément élu à l’arrivée »...

Dalay Lam