Les stupéfiants, un phénomène qui persiste
Les stupéfiants étaient encore inconnus chez nous dans les années 70 et 80. On les percevait comme une légende seulement entretenue dans les films. Avec, à la clé, une quasi inexistence de criminalité et de délinquance dans nos villes. C’est à partir du milieu des années 80 que de petites quantités de haschich commencèrent à circuler à Nouakchott. Aux mains de ressortissants étrangers, elles n'étaient pas à la portée de tout le monde et n'étaient consommées que par une petite minorité de nantis qui dépensaient beaucoup pour en obtenir...Pas de réseaux, aucun cartel ni bande de trafiquants. Seuls un ou deux dealers passaient de temps à autre dans la capitale pour livrer à quelques personnes ciblées…
A partir de 1983, des salles de cinéma furent ouvertes en divers quartiers populaires comme El Veth, Lansar ou Mina El Ven. Les kébbés (bidonvilles) s’étaient élargis avec l'exode rural. Des dizaines de familles démunies et chargées de nombreux enfants non scolarisés les surpeuplaient. Une occasion en or pour les trafiquants de drogue de se tailler une nombreuse clientèle de toxicomanes. Ils envoyèrent des complices distribuer discrètement et gratuitement leur camelote dans ces bidonvilles. Cibles privilégiées : les enfants jouant dans les rues. On leur donnait d’abord des bonbons et biscuits pour les attirer et sympathiser avec eux. Puis c’étaient de petites quantités de drogue. Une fois les gamins pris au piège et avides d’en consommer plus, on leur signifiait que la marchandise avait un prix… et pas des moindres. Ainsi se formèrent des vagues de consommateurs toxicomanes. Des bandes de dealers virent le jour. Braquages, vols et crimes à la clé pour trouver l'argent indispensable à la consommation...
Feu Ham fut un des doyens des dealers à Nouakchott. Sous sa couverture de grand guérisseur, il écoulait sa marchandise chez lui sans crainte. De plus petits dealers livraient tranquillement dans la rue car la poudre blanche restait encore inconnue de la plupart des gens. Je me rappelle d'une scène dans un taxi qui me conduisait au 5èmearrondissement, actuel Sebkha. Je devais descendre au terminus. Les autres passagers étaient descendus en cours de route, sauf un qui discutait à voix basse avec le chauffeur. Celui-ci lui remit, avant de le déposer, un peu de poudre blanche contre une liasse de billets. Regardant plus tard un film à la télé, je compris alors que cela devait être de la drogue...Mais ce n’est qu’en 1990 que je pus observer pour la première fois des sachets de drogue. Passant au volant de ma voiture dans une rue de Sebkha, je fus stoppé par une foule et descendis voir. Des policiers exhibant de tels sachets conduisaient un homme et une femme au commissariat ; des dealers pris en flagrant délit, m'informa-t-on... Ce fut aussi cette année-là que le Soum-soum vi le jour à Sebkha. Il est maintenant distribué partout.
Chaque jour que Dieu fait, on arrête des dealers ou toxicomanes dans nos villes. Le quartier Mellah est devenu une plaque tournante de ce trafic. Les dealers y pullulent. La drogue est distribuée partout, jusque dans les écoles, et l’on affirme que même les lieux de culte ne sont malheureusement plus épargnés…
Mosy