Le faire comme les autres. Moi, je ne suis pas exempt. Pourquoi pas moi. Hé, moi, je suis le quoi ? Je suis comme tout le monde. La mort parmi les dix est une sinécure. Si tu vois les gens aveugles, fais semblant d’être borgne. Ce n’est pas pour rien qu’à chaque coin de rue, il y a une pharmacie ou ce qui en tient lieu, une boulangerie ou ce qui en tient lieu, un petit commerce général dans chaque maison ou baraque, une vendeuse de poisson ou une vendeuse de légumes, un boucher ou un garagiste, un réparateur de frigos ou un « Michelin » (rafistoleur de pneus), un tenancier de petite loge « Envoyé crédi », un cabinet médical : dentiste, obstétricien, gynécologue, ophtalmologue, vétérinaire, botaniste, fleuriste, otorhinolaryngologiste, esthéticien, détective privé dont le dossier est encore sous l’aisselle ; un dépôt de briques, une quincaillerie, une épicerie, une auberge, un appartement, un restaurant, une écoles privée, une mahadra, un journal, un site, un salon de coiffure, une borne fontaine, un tailleur, un garage « tout droit », une gazra, un vendeur de menthe, une grilleuse de beignets, de thiaf ou de fataya, de « firire » (cherchez la bonne prononciation), en tout cas, avec les mbourou-sauce, accara et autres petites recettes. Les petits élèves des écoles Justice, Khayar, 1 et 2 du Ksar, Marché et 8 de la Capitale en savent bien quelque chose. Ici, il faut faire comme les autres. C’est peut-être, à creuser profondément, l’une des causes de la gabegie, de la corruption et, même, parfois des coups d’Etat. Exemple. C’est la fête. Toi, tu n’as que ton petit salaire qui te permet à peine de survivre. Or madame, qui est très puissante en Mauritanie, veut, au moins, quatre gros moutons : un pour elle, un pour sa famille, un pour ta famille et un pour un ami ou une quelconque connaissance. Pourquoi ne ferait-elle pas comme l’autre qui n’est pas plus belle née qu’elle et dont la tribu n’est pas meilleure que la sienne et, après tout, toi, tu es un homme, non ? Comme les autres. Cheikh ould M’Kheitir a été condamné par la Cour pénale de Nouadhibou à la peine capitale. Scènes de liesse. Youyous et marches de soutien à la décision de justice. Mêmes scènes à Bouratt, mêmes youyous et marches de soutien. Mêmes scènes à Touil, Amourj, Arr, Dafor, Kankossa, Gani, Katawane… Pas besoin de savoir qui est Ould Mkhaitir et moins encore ce qu’on lui reproche. Il s’agit de faire comme les autres. Exactement comme. Il faut même penser comme les autres. Surtout si les autres sont au centre des affaires. « Qui a dit que l’esclavage existe en Mauritanie ? », vous dirait M’barek, le gourdin à la main. Y a plus que les séquelles. « Ingérence dans les affaires internes d’un pays indépendant ! », reprennent, en chœur, ministres, députés, sénateurs et autres hauts fonctionnaires, en réaction à la résolution du Parlement européen relative à la problématique de l’esclavage. Les orientations éclairées du Président, le programme du Premier ministre untel. Des bouts de phrase tellement rabâchés que, finalement, ils ne renvoient plus à rien. L’unique est un satan. Il faut faire avec son groupe. Comme son groupe. Comme la tête du groupe. Rire quand le chef rit. Pleurer quand il pleure. Se fâcher quand il se fâche. Aimer qui il aime. Haïr qui il hait. Concevoir le dialogue, l’unité nationale, l’esclavage, le passif, le terrorisme, les jeunes, les femmes, l’armée, le football, l’opposition, le FNDU, l’institution de l’opposition, les accords de pêche, la justice, IRA, comme il les conçoit. IRA n’est pas reconnue. IRA est hors la loi. Si IRA est reçue au palais. Vive IRA. Vive, Vive. Le Haut conseil de la fatwa a organisé un forum sur l’unité nationale. La Primature suivra, tous les ministères, la Banque centrale, Tadamoun, la Sonimex, le port de Nouakchott, la TVM, l’AMI, Radio Mauritanie, la wilaya de Nouakchott 1, 2 et 3, la CUN, le Banc d’Arguin, Diawling, le lac d’Aleg , les villes anciennes, le BASEP et la gendarmerie, je parie. Salut.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».